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LE POISSON D’OR

— C’est tout, répondit le ministre ; pardonnez les fautes de l’auteur.

— Et voilà, reprit la belle nièce du prince de Talleyrand, d’où vient la fortune de ma sœur ?

Mme la comtesse douairière de Chédéglise eut un peu de rouge au front. M. de Corbière, qui était sur le point de prendre congé, se rassit vivement et s’écria :

— Pardon ? pardon ! Je demande la parole. Belle dame, nous sommes de la Bretagne et non du Périgord. Votre sœur ne s’est point mésalliée, je tiens à établir cela, moi, qui suis toujours l’avocat de Keroulaz : il y a longtemps que Talleyrand et Chédéglise sont revenus des croisades : ce qu’ils ont fait depuis lors, qu’un autre le dise pour Talleyrand ; pour Chédéglise, moi, je le dirai. Nous étions pauvres, mais honnêtes, pour parler comme tout le monde, et s’il fallait comparer…

— Bon ami, interrompit doucement la comtesse en lui tendant la main, on ne nous attaque pas.

— Aussi, Dieu me garde de vous défendre, chère dame ! j’ajoute tout uniment une page à mon histoire qui n’avait pas de dénoûment. Notre fortune nous venait de nos pères ; les anciens amis politiques de M. de Talleyrand nous l’avaient prise pour la vendre au citoyen Bruant, lequel l’avait payée du prix de notre propre sang : voici le fait principal ; je ne voudrais pas enlever au citoyen Bruant les sympathies de Mme la duchesse, mais qu’elle s’en prenne à Dieu seul de la hideuse mort qui termina cette infâme vie, car Dieu seul frappa le meurtrier de Chédéglise et de Keroulaz.

Nous étions presque des proscrits encore, à l’époque dont je parle. La justice était de votre avis, madame, et protégeait le citoyen Bruant. Nous étions faibles,