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cartulaire de l’abbaye cistercienne de pontigny.

reçue, il recouvrera son bien et la rente cessera de lui être versée[1]. Il s’agit bien d’un arrentement, car le contrat est temporaire, et, bien que le latin soit fort imprécis[2], cet acte ne peut être un accensement qui, lui, a un caractère perpétuel. En fait, nous sommes en présence d’un accord qui cache un prêt à intérêt Augalon, qui certainement avait besoin d’argent frais, a, contre une somme en liquide et une rente, engagé un de ses biens aux moines, en leur en laissant la jouissance et les revenus jusqu’à ce qu’il ait rendu la somme.

L’autre forme est la constitution d’une rente nous n’en avons que deux exemples pour le xiie siècle, et encore sont-ils fort tardifs, puisque l’un est de 1189 et l’autre de 1190. Aussi, comme ils sont à la limite de notre période[3], nous n’étudierons ce genre nouveau de ressource de l’abbaye qu’au xiiie siècle.

On voit donc, en examinant les modes d’acquisition de Pontigny au xiie siècle et leur nature économique, que l’essentiel de la richesse du monastère provient de dons en biens immobiliers, puisque les terres arables et les bois représentent à eux seuls 60 % de l’ensemble des possessions des moines.


La nature juridique des biens.

La nature juridique des biens entrés dans le patrimoine de Pontigny est, elle aussi, variée, mais les textes sont souvent laconiques sur ce sujet.

Nous trouvons peu d’exemples dans lesquels il soit nettement précisé qu’une terre donnée ou vendue est un alleu. Nous voyons, cependant, Guillaume le Fauconnier donner à Pontigny tout ce qu’il possède dans les alleux de Forterre et Lignorelles[4]. Par contre les formules de donation, de vente ou d’échange, même si elles sont stéréotypées, nous laissent entrevoir que les biens baillés deviennent des alleux entre les mains de l’abbaye. En effet, c’est «en pure et perpétuelle aumône» que Pontigny reçoit, soit gratuitement, soit contre une somme d’argent, une terre dans plus des deux tiers des actes ces biens deviennent des « aumônes» au sens restreint du terme[5].

L’abbaye obtient aussi de nombreuses terres féodales dans toutes les régions dans lesquelles les moines se sont installés à Chailley[6], Sainte-Procaire et Beugnon[7] et même, tout près de Pontigny, à Roncenay où fut concédé aux moines un fief relevant du trésorier de Saint-Étienne d’Auxerre[8]. En général, lorsque ces biens féodaux sont concédés à l’abbaye, ils sont libérés de tout service et de toute charge. Parfois, cependant, quelque service expressement note grève le fief en 1136, par exemple, Jean Capel donne tous ses fiefs à Pontigny, mais se réserve le service des vassaux[9].

  1. N°147.
  2. Le verbe employé pour qualifier l’acte est accensere.
  3. nos 124, 200.
  4. N° 98 : …quicquid habebat in territorio de Forterra et in territorio de Linieriis…, utrumque vero territorium alodium est.
  5. J. Laurent, Cartulaires de l’abbaye de Molesme, t. I, p. 41, note 1.
  6. Ex. : nos 75, 76.
  7. Ex. : nos 94, 113.
  8. N° 92.
  9. N° 87 : nichil penitus mihi vel heredibus meis in eisdem casamentis retinens, preter servitium casatorum…