Page:Le proces Zola devant la cour d assises de la Seine et la cour de cassation, Paris Bureaux du Siècle etc , 1898, Tome 1.djvu/173

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2° A-t-elle été communiquée au Conseil de guerre qui a jugé l’ex-capitaine Dreyfus et dans quelles conditions cette communication a-t-elle eu lieu ?

Subsidiairement :

Donner acte aux concluants de ce qu’une pièce secrète a été communiquée en 1894 aux membres du Conseil de guerre qui ont statué sur les poursuites intentées au capitaine Dreyfus et cela, en dehors de l’accusé et de son défenseur.

M. le Président. — Je vous ferai remarquer que la décision du Conseil de guerre a été soumise à la Cour de Cassation militaire, c’est-à-dire au Conseil de revision ; qu’il fallait lui soumettre cette irrégularité, mais non ici. Nous sommes une Cour d’Assises, et non une Cour de revision.

Me Labori. — Je suis obligé de vous répondre ; car vous donnez ici des consultations de droit devant lesquelles, en toutes autres circonstances, je m’inclinerais avec respect, mais elles semblent aller contre la liberté de la défense, et il faut que je m’en explique.

M. le Président. — Je vous fais une observation toute naturelle. Je vais conférer avec mes collègues sur ce point, mais je vous fais observer que nous ne sommes pas ici une Cour de revision, mais une Cour d’Assises.

Me Labori. — Je réponds : Si on s’était vanté comme depuis, en 1894, et dans les quelques jours qui précédèrent le jugement en revision, d’avoir communiqué une pièce secrète, alors on eût pu faire valoir le moyen, mais ce moyen n’a pas été connu, ce n’est que depuis qu’on l’a ouvertement répété... M. le général Mercier lui-même, avec son honneur de soldat, ne dira pas que ce n’est pas vrai, mais il dira qu’il ne peut pas répondre.

M. le général Mercier. — Pardon, je dis que ce n’est pas vrai. (Applaudissements et sensation.)

M. le Président. — Le public va encore m’exposer à le faire sortir.

Me Labori. — Je demande la permission de bien préciser la question : M. le général Mercier dit-il — je ne suis pas sûr d’avoir bien compris — M. le général Mercier dit-il qu’il n’est pas vrai qu’une pièce secrète ait été communiquée ? ou M. le général Mercier dit-il qu’il ne l’a répété à qui que ce soit ? Je le prie de ne pas laisser d’équivoque dans sa réponse.

M. le général Mercier. — Je n’ai pas à répondre à la première question (mouvements divers) ; mais en ce qui concerne la seconde, je dis que ce n’est pas exact.

M. le Président. — Vous avez quelque chose à ajouter, général ?

M. le général Mercier. — Monsieur le Président, je n ai pas à revenir sur le procès Dreyfus ; mais si j’avais à y revenir, puisqu’on me demande ma parole de soldat, ce serait pour dire que Dreyfus était un traître qui a été justement et légalement condamné. (Bruits.— Applaudissements.)