Me Labori. — Nous ne laisserons pas dévier le débat.
M. le Président. — Maître Labori, vous venez d’entendre les déclarations de M. Mercier, ancien Ministre de la guerre ; il vous a donné toutes les explications voulues, il a même été plus loin que je ne l’aurais désiré.
Me Labori. — Vous vous trompez, monsieur le Président.
M. le Président. — Non.
Me Labori. — Vous vous trompez en ce qui me concerne ; M. le général Mercier n’a pas été assez loin ! il y a une chose à laquelle je tiens, et je ne m’assoierai pas avant que cela ne soit fait, c’est à préciser nettement les paroles de M. le général Mercier, car ici je suis au centre de mon débat...
M. le Président. — Non, vous n’êtes pas au centre de votre débat, vous êtes à côté.
Me Labori. — Non, monsieur le Président.
M. le Président. — En ce moment, vous êtes l’avocat de votre client, et vous remplissez le rôle de Président de la Cour d’assises ; je vous fais remarquer que vous empiétez sur l’affaire Dreyfus.
Me Labori. — Il s’agit de savoir si M. le général Mercier, qui a prononcé certaines paroles, a répondu à une certaine question ou à une autre. Je constate qu’il est regrettable que M. le général Mercier puisse venir dire ici qu’un homme a été légalement condamné — c’est une chose — que cet homme a été justement condamné, — c’est une autre chose, — sans qu’on puisse ensuite le questionner ! Je dis qu’il est regrettable qu’on ne puisse l’interroger sur les motifs de sa conviction. Quant à la conviction de M. le général Mercier, je la connaissais, et je savais très bien, si je l’interrogeais, ce qu’il répondrait ; tout le monde la connaît cette conviction, il l’a proclamée assez haut. Ce n’est donc pas une surprise.
Quant au second point, j’ai dit à M. le général Mercier : Est-il vrai qu’une pièce secrète ait été versée aux débats en 1894 ? Il a répondu : « Je ne répondrai pas à cette question. »
M. le Président. — Et il a bien fait.
Me Labori. — Discutant ensuite, j’ai demandé à M. le général Mercier : «L’avez-vous dit partout ?» M. le général Mercier m’a interrompu, non pas pour répondre à cela, mais pour dire : « Il n’est pas vrai que je lai raconté. » Cela ne m’intéresse pas ! C’est le premier point qui m’intéresse, et sur le premier point, malgré tous les incidents, malgré toutes les émotions, M. le général Mercier reste muet.
M. le Président. — Vous n’avez plus rien à dire, général ?
M. LE GÉNÉRAL MERCIER. — Non.
(L'audience est suspendue.)