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Page:Le proces Zola devant la cour d assises de la Seine et la cour de cassation, Paris Bureaux du Siècle etc , 1898, Tome 1.djvu/432

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M. Bertillon. — Je connais la théorie des écritures dextrogyres et sinistrogyres ; mais je n’en ai pas encore fait usage d’une façon sérieuse dans les expertises. Il y a six mois, je ne m’en étais jamais encore servi.

Me Labori. — Sans nous occuper de l’affaire Dreyfus, je prends le mot A. Dreyfus et le mot adresse, et je lui demande quelle conséquence scientifique il peut tirer de la superposition possible des mots adresse d’une part et A. Dreyfus de l’autre, lequel commence par adr, l’autre par adr également, mais le second avec un point entre A. et D ? Le témoin voudrait-il nous expliquer par quelle méthode on peut comparer les écritures de ces deux mots : adresse et A. Dreyfus ?

M. Bertillon. — Cette question se rattache à ma déposition de 1894, et, d’ailleurs, à un point sans importance de cette déposition.

Me Labori. — Le témoin voudrait-il nous dire si le bordereau est d’une écriture à main courante?

M. le Président, au témoin. — Pouvez-vous vous rappeler cela?

M. Bertillon. — Il m’est absolument impossible de répondre à cette question sans entrer dans ma déposition de 1894. Je ne puis pas répondre à la question de savoir si c’est de l’écriture à main courante, sans entrer dans ma démonstration de 1894.

Me Labori. — Permettez, monsieur le Président, je n’ai pas à m’occuper de cette démonstration ; elle n’a pas mis un bâillon éternel sur la bouche de M. Bertillon. Je ne sais qu’une chose. Nous avons ici un témoin, c’est même, on peut le dire, un témoin officiel ; il est tenu de déposer, et je lui pose une question capitale. Je ne m’occupe pas de l’affaire Dreyfus, et je l’oublie pour le moment ; je lui parle du bordereau d’Esterhazy.

Je sais pourquoi le témoin ne peut pas répondre et je le dirai dans ma plaidoirie. Voici ma question : L’écriture du bordereau est-elle à main courante ou faite de mots rapportés ? Si le témoin ne répond pas, je laisse au jury le soin d’apprécier.

M. le Président, au témoin. — Est-ce, oui ou non, une écriture à main courante ?

M. Bertillon. — Il est impossible de répondre à cette question sans entrer dans ma déposition de 1894. Ce n’est ni l’une ni l’autre. C’est de l’écriture courante et cela n’en est pas. J’éclaircirai tout cela quand on me l’ordonnera. Il y a là-dedans des quiproquos, je suis forcé d’entrer dans le vif de la question ou de ne rien dire du tout.

Me Labori. — Les jurés veulent des preuves. Moi, je les fournirai en opposant les trois experts officiels de 1894 aux trois experts officiels de 1898, qui ont travaillé sur le même bordereau ; car il est impossible de concilier les deux expertises. Voilà pourquoi le témoin ne veut pas répondre.

Je répète : le bordereau — ici je ne m’occupe pas de Dreyfus, appelez-le Tartempion si vous voulez, mais répondez-moi — est-il écrit d’une main courante ou fait de mots rapportés?