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Page:Le proces Zola devant la cour d assises de la Seine et la cour de cassation, Paris Bureaux du Siècle etc , 1898, Tome 1.djvu/433

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M. le Président, au témoin : Pouvez-vous vous rappeler cela?

M. Bertillon. — Il est impossible de répondre à cela d’un seul mot.

Me Labori. — Nous n’en demandons pas qu’un seul.

M. Bertjllon. — C’est entrer dans ma déposition de 1894, je ne le puis pas.

M. le Président, aux défenseurs. — Passons à une autre question.

Me Clémenceau. — Avant cela, un mot encore, s’il vous plaît. La question est extrêmement importante ; je demande à préciser un fait dont j’entends prendre acte plus tard. Il ne faut pas qu’il y ait de surprises. Me Labori a demandé à M. le Président de poser une question au témoin. M. le Président a apprécié qu’elle pouvait être posée, puisqu’il l’a posée. Le témoin a refusé de répondre, et M. l’Avocat général, qui seul a pouvoir pour forcer le témoin à répondre, n’est pas intervenu. C’est une situation de droit que je retiens.

M. le Président. — M. l’Avocat général ne peut pas forcer un témoin à parler.

Me Clémenceau. — L’Avocat général est le seul qui puisse requérir l’application de la loi contre un témoin qui refuse de déposer. Quand un témoin refuse de comparaître en justice, M. l’Avocat général n’est pas tenu de l’aller chercher lui-même ; mais il peut l’obliger, le Code en main, à venir. Il peut de la même façon requérir contre un témoin qui refuse de parler.

M. le Président. — On ne peut pas faire de sommation au témoin, car on ne peut le forcer à entrer dans sa déposition de 1894 ; en vertu de l’arrêt de la Cour, il peut ne pas parler.

Me Clémenceau. — Ce n’est pas l’opinion du Président des assises, qui a posé les questions auxquelles le témoin ne répond pas.

M. Bertillon. — Je ne puis répondre ni par oui ni par non, il me faudrait entrer dans des développements.

Me Clémenceau. — Nous avons réussi, ce me semble, à ébranler les convictions de l’expert. Il nous dit qu’il faudrait entrer dans des développements. Eh bien ! qu’il entre dans ces développements et nous dise si l’écriture du bordereau d’Esterhazy est courante ou faite de mots rapportés.

M. Bertillon : La question n’est pas susceptible d’une réponse.

M. le Président, aux défenseurs. — Vous voyez!

Me Labori. — Je vous assure, monsieur le Président, que le témoin a des velléités de parler ; il se décidera.

M. Bertillon. — Pas du tout.

Me Labori, au témoin. — Le bordereau Esterhazy a-t-il été décalqué ?

M. Bertillon. — C’est toujours la même chose, je ne peux répondre ni par oui, ni par non.

Me Labori. — Nous sommes en face d’un refus manifeste de déposer.

M. le Président. — Le témoin dit qu’il ne peut pas parler sans entrer dans sa déposition de 1894.