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Page:Le proces Zola devant la cour d assises de la Seine et la cour de cassation, Paris Bureaux du Siècle etc , 1898, Tome 1.djvu/534

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M. le Président. — Témoin, continuez.

M. Franck. — Si je n’avais que de simples observations graphologiques, je ne dis pas que j’hésiterais car il n’y a pas d’hésitation possible, mais toutes les observations de style se retrouvent encore à la fois dans le bordereau et chez M Esterhazy.

D’abord, et je puis en parler en parfaite connaissant de cause — ce n’est pas pour donner une leçon de français que je me suis présenté ici ; mais, dans notre pays, où on nous enseigne la langue française et où nous devons tous lutter chaque jour pour l’expansion de la langue française, nous devons nous heurter à un élément qui est la langue flamande, d’origine germanique. Chez nous, on nous prémunit constamment contre les formules germaniques qu’on emploie constamment que je retrouve ici dans le bordereau et qu'on retrouve dans l'écriture de M. Esterhazy.

J’y trouve, par exemple, un abus du relatif, contre lequel on nous prémunit constamment ; ainsi : A moins que vous ne vouliez que je ne le fasse..., etc. Dans l’écriture le M Esterhazy vous trouverez le même abus du relatif : Sur explications, je dis a ce monsieur qui m’apprit qu’il était ancien officier ce qu’il en était pensant qu’il suffirait de cette information pour qu’il se refusât à prêter la main à qui que ce soit qui touchât à ces manœuvres. Voyez l’abus du relatif !

A côté de l’abus du relatif, je remarque dans le bordereau un abus des adjectifs démonstratifs, que je ne m’explique pas, que je ne me permets pas de vous expliquer. Dans cette lettre nous trouvons dix-huit adjectifs démonstratifs, toujours ce, cet, cette… Chez M. Esterhazy, le même abus des adjectifs démonstratifs.

Une dernière particularité, c'est celle-ci : M. Esterhazy comme l'auteur du bordereau intercale, dans la première phrase, le mot : Monsieur. Au lieu d'écrire : Monsieur, je reçois votre lettre du, M. Esterhazy écrit : Je reçois, Monsieur, avec surprise votre lettre, etc… De même l’auteur du bordereau dit : Sans nouvelles indiquant que vous désirez me voir, je vous adresse cependant, Monsieur... L’un et l’autre intercale le mot Monsieur dans la première phrase.

Les observations que je vous ai présentées, Messieurs ont ete peut-être un peu longues ; mais je crois pouvoir, en toute conscience conclure qu’il y a une identité absolue, non seulement dans les écritures, mais dans la facture du bordereau et des lettres de M. Esterhazy, et je suis persuadé qu’un jour, je ne sais pas si ce jour sera lointain ou prochain, mais qu’un jour on reconnaitra la vérité des observations que nous devant vous.

M. le Président. — Qui vous a chargé de faire cette expertise ?

M. Franck. — Moi-même, et si vous voulez que je vous indique… (Murmures dans le fond de l’auditoire.)