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LE VOL SANS BATTEMENT

Moins une douzaine de têtes noires réparties dans l’épaisseur des branches, l’ordre était à peu près rétabli. Mais, pas de chance ! un vol de nouveaux arrivés débarque à tire d’aile sur l’arbre de la famille en sevrage ; car cela semble être un sevrage en toutes règles. Les corbeaux réfugiés sur l’observatoire, voyant aborder les nouveaux venus, piquent tous de là-haut en envahissent de nouveau l’arbre.

Alors la rage de mes voisins n’a plus de borne. Le mâle, dans sa furie frappe les branches à grands coups de bec. Mais que faire ? Ils sont trop nombreux, force est donc de se taire. J’avais envie de leur venir en aide, mais je me souviens du proverbe : Des affaires de corbeaux il ne faut pas se mêler.

Je laissai donc faire.

Dans un coin, cependant, près du vieux nid, un conciliabule s’établissait. Ce qu’on y disait était probablement pas mal irrévérencieux pour mes voisins. − J’ai bien entendu mais pas compris : ce devait être dit en langue verte. −_Quand soudain la femelle se précipita avec fureur sur une de ces commères. Elles s’empoignèrent du bec et des ongles, battant des ailes, tombant de branche en branche, et finalement arrivèrent à terre sans se lâcher.

La bataille était plus que sérieuse. La bande entière descendit pour contempler la prise de bec. Les plumes volaient que c’en était une bénédiction !

Je ne sais ce qui serait arrivé si le combat n’avait été dérangé par une négresse qui venait étendre du linge ; ce qui força combattants et spectateurs à remonter dans l’arbre.

Je fus forcé d’interrompre un moment cette étude. Ce qui se passa pendant ce temps, je ne sais, mais quand je suis revenu, la troupe criarde était maîtresse de l’arbre sacré ; l’asile de la famille était devenu un