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ETUDES D’OISEAUX

vulgaire perchoir. On entendait au loin les cris éraillés des jeunes, disant au père et à la mère qu’ils n’entendaient rien à la politique sociale, et que leurs estomacs étaient vides.

Cet acte de communauté, cette émancipation forcée d’une famille par la tribu, me semble intempestif. Il faut une année entière pour élever un corbeau. Ce ne sont pas les premiers dont je vois faire l’éducation. Mes amis avaient raison, les petits sont encore trop petits pour être abandonnés.

Pendant quinze jours ils sont venus tous les matins se poser en masse sur l’arbre.

Leur but n’est pas facile à comprendre. Cependant ils en ont un. Est-ce pour préserver par leur nombre cette jeune famille ? — Ce n’est pas probable, attendu que les petits sortaient et allaient même assez loin ; puis ils resteraient toute la journée, tandis qu’à dix heures tout est fini, chacun est allé à ses affaires.

En somme je n’ai pas compris.

Ils sont une trentaine sur le sommet de ce grand lebeck, ayant l’air de n’avoir d’autres occupations que de croasser. Cela ennuie fort les milans qui ont leur nid sur l’arbre voisin. Toutes les cinq minutes le milan mâle plonge, éparpille ces criards et remonte aussitôt avec une dizaine de corneilles à ses trousses. Il s’élève en décrivant des cercles suivi avec succès par ses poursuivants, mais arrivé à une centaine de mètres de hauteur il faut cesser la poursuite, car pour eux on n’arrive pas là-haut sans battre fort, tandis que le milan monte en tournant, sans se fatiguer, et monterait comme cela indéfiniment. Aussi, l’un après l’autre, les voit-on lâcher la partie, plier les ailes et piquer vers l’arbre.

Si le milan était adroit, s’il employait les moyens dont il dispose, la poursuite des corbeaux ne serait pas possible : il n’aurait qu’à plonger de très haut comme

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