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ETUDES D’OISEAUX

ailes parfaitement rectilignes, puis s’élève de quelques mètres, présente son ventre blanc à la brise pour faire provision de vitesse et se replonge entre deux lames qu’il suit en planant comme il suivrait un chemin ; jusqu’à ce que, au bout de deux ou trois cents mètres, il s’élève de nouveau, reçoive le coup de vent et s’enfonce encore entre les vagues.

Dans cette manœuvre de prise de vitesse, il a cela de curieux que ses ailes au lieu d’être parallèles à l’horizon lui sont au contraire toujours perpendiculaires.

Il franchit ainsi de très grandes distances, mais comme il nage parfaitement et que la perspective de passer la nuit sur l’eau ne l’effraye nullement, il est sans inquiétude, ce qui fait qu’on l’aperçoit souvent à trente ou quarante lieues des côtes ; aussi est-il le dernier être ailé qu’on rencontre dans ce désert d’eau qu’on nomme le large.

La note particulière du vol de cet oiseau est, je l’ai dit, de pouvoir résister à un courant d’air qui entraîne avec lui tous les autres oiseaux. Cette qualité a, comme contre-partie, de le rendre inactif par le calme, et même par un vent moyen.

Il peut voler par le calme, mais difficilement, témoin le fait cité dans l’Empire de l’air, au chapitre : Action de la vitesse. Il ne se laissera pas passer dessus par un bateau, assurément ; on le verra au contraire courir sur l’eau et s’éloigner, mais il n’ira pas bien loin et se posera dès qu’il se sentira en sûreté. Il passera non seulement la journée, mais des jours entiers sur l’eau, occupé à pêcher des méduses et tous les zoophytes qui flottent perpétuellement dans la mer.

Mais que le vent se lève, qu’il devienne assez fort pour balayer mouettes et goélands et les forcer à se réfugier à terre, alors, à cet instant, la mer est à lui seul ; du grand large à la côte, toute cette immensité devient