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ETUDES D’OISEAUX

les cris qu’ils poussent, en volant lentement dans la brume du soir, font croire, à première audition, qu’il passe là-haut un vol de corneilles : fait impossible à cette heure, car elles sont toutes couchées. En regardant, on voit un vol d’oiseaux plus gros que les corbeaux, plus lents dans leurs évolutions ; alors on écoute mieux, et on perçoit la différence dans leur cri.

Ces hérons ont l’habitude de coucher tous ensemble sur quelques grands arbres assez rapprochés les uns des autres pour que la tribu se sente parfaitement réunie. Ils choisissent au Caire, pour établir leur héronnière, ces grands jardins abandonnés depuis de longues années, et où personn ne va, sauf les quelques gardiens qui sont sensés les entretenir et qui se soucient bien peu des bihoreaux.

Ces jardins oubliés produisent un effet curieux. La nature y reprend ses droits, les graines se sèment et poussent à leur aise où elles réussissent ; les dessous des grands arbres prennent l’aspect de la brousse sauvage, il y a réellement à s’y tromper ; aussi, en y réfléchissant, on arrive à comprendre le spectacle que présente ce perchoir.

Qu’on se figure une dizaine de grands lebecks tordant dans toutes les directions leurs longues branches sans rameaux. Sur ces troncs lisses, parfaitement garantis de la lumière par la végétation feuillée qui s’est réfugiée dans les sommets, sur ces troncs, de gros oiseaux sont alignés, très rapprochés les uns des autres. L’ombre est profonde ; on ne distingue pas bien, même en plein jour ; cependant, quand l’œil s’habitue à cette obscurité, on perçoit les détails. Leur plumage est gracieux, leurs formes sont loin d’être communes. Leurs becs pointus, leurs yeux jaunes sont tous dirigés vers le spectateur qui se sent impressionné par ces milliers de regards tournés vers lui.