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LE VOL SANS BATTEMENT

Un autre exemple fera bien saisir cette force : j’avais pris mon grand aigle, par des procédés à moi, trop longs à décrire et qui n’intéressent pas. Son bec était attaché et ses serres ficelées le rendaient absolument inoffensif. Il était dans cet état de prostration particulier qu’ont ces animaux lorsqu’on les met dans l’impossibilité absolue d’agir.

J’étudiais donc en détail cet oiseau comme un être mort, quand l’idée me vint de lui détacher seulement deux griffes : l’index et le pouce ; je voulais essayer leur force sans me faire blesser.

Avec beaucoup de précautions, je parvins à passer deux doigts sous chaque griffe et j’essayai de les ouvrir. En forçant bien, j’y parvins. Les tendons craquèrent très fortement. Je fermais, ouvrais, refermais, réouvrais ces griffes sans trop de peine, faisant crier ces jointures comme des charnières mal graissées ; quand soudain, avec la promptitude de l’éclair, mes quatre doigts furent pris comme dans un étau. — Heureusement que les pointes ne piquaient pas. J’étais pris à mon tour et il m’était impossible de songer à me dégager. Je sentais à la pression exercée, malgré que je n’éprouvasse qu’une très forte compression, que c’était folie d’opposer la force à ces puissants fléchisseurs. J’attendis cinq grandes minutes, avec une patience tout à fait exemplaire. Petit à petit je forçais et fort, et l’oiseau s’endormait.

J’étais très près de me retirer de ce guêpier, quand un réveil de la bête, donnant une secousse, me remit en prison.

Avec un peu de patience, je parvins cependant à me dégager, mais cela demanda bien un grand quart d’heure.

Cette estimation de force d’enlever dix fois son poids peut être beaucoup augmentée et, assurément, on ne