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LE VOL SANS BATTEMENT

cès qui paralysent tout, qui font qu’on y regarde à deux fois avant de passer de la théorie à la pratique ; que la vue de l’aéroplane construit, fini, solidement fait ; ne vous dit rien qui vaille ; que surtout, quand on l’essaye, on remarque que, par le calme, il ne porte presque pas, et que par le grand vent, il vous bouleverse, qu’on ne sait plus s’en servir, qu’on perd la tête et qu’on n’ose retourner à s’exposer ainsi ; que, en résumé, pour tout individu qui n’est absolument enflammé, rongé par ce problème, il est sage de laisser les ailes aux oiseaux et de ne pas s’en affubler, si on ne veut pas se casser le cou.

J’ai eu cette sensation tout autant qu’un autre, et plusieurs fois, je parle donc par expérience. L’aéroplane qui ne porte pas ou qui vous bouleverse n’a rien d’enlevant ou l’est trop. J’ai bien réussi quinze secondes, mais je dois avouer que ce n’est pas ma faute : c’est le vent qui a réussi à se mettre d’accord bien malgré moi avec ma vitesse et ma surface.

Résumée : il est bien difficile de réussir en s’y prenant ainsi.

Pour arriver à quelque chose de plus sensé, il faut bien se pénétrer de l’horreur que notre organisme a du vide.

Impressionné par cette idée, on arrive à se demander ce que notre instinct dirait s’il se trouvait en face d’un aéroplane dont le mètre carré, au lieu d’être chargé de 7.500 grammes, ne l’était plus que de 1.000 grammes.

Il est de fait que si on pouvait construire une pareille machine, qu’elle fût complète comme direction verticale et horizontale, l’instinct de la conservation aurait peu-à dire.

Essayé par le calme, cet appareil donnerait un arrêt de chute tellement sensible qu’il solliciterait le retour