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LE VOL SANS BATTEMENT

suivre à sa guise la recherche qui le passionne de plus en plus. Ses frères sont au collège, les amis Alphonse et Ernest Daudet, commencent à se faire rares, attirés de plus en plus par le journalisme et la littérature. Louis, seul dans son grenier, passe des heures et des heures à vivre son rêve au milieu de cette tôlière immense où les variétés d’oiseaux se multiplient, milans, martinets et le grand aigle.

« J’avais vingt ans, l’âge des grandes conceptions, des désirs violents, et j’aimais l’aviation comme on aime à cet âge. Je ne le cachais pas à ma famille. Mon père, homme instruit, me regardait penser sans intervenir. Il se prêtait de bonne grâce à mes dépenses pour les oiseaux et n’intervenait en rien dans mes faits et gestes. Ainsi, j’avais accaparé les greniers de la maison, qui étaient très grands, vendu tout ce qu’ils contenaient, pour faire place nette, et il n’avait rien trouvé à redire… »

Là-haut, Louis Mouillard contemple son aigle, l’étudie longuement, forme son œil et son esprit à l’observation et à la compréhension méthodique. Déjà il a le don de voir, et la faculté de sentir la raison mystérieuse, mais logique, du plus imperceptible mouvement.

Son aigle, son grand aigle ! quel amour il a pour ce bel oiseau qui tant lui apprit ce qu’est la vie des ailes ! Il parlera de ses moindres gestes à maintes reprises dans ses ouvrages.

« Nous pouvons assurer n’avoir jamais vu fixer le soleil à un aigle superbe que nous avons gardé de nombreuses années. Ce qui a pu faire naître cette idée, c’est la pose curieuse qu’ils prennent, lorsqu’ils font sécher leurs plumes, après s’être baignés. En les regardant attentivement, on remarque qu’ils ne fixent rien, mais sont dans une espèce d’extase causée par le réchauffement…… »