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LE VOL SANS BATTEMENT

Il possède donc deux grandes baguettes qui ne lui permettent de s’envoler que dans des conditions spéciales. On s’en formera une idée très juste en se figurant une petite poule qui aurait pour ailes deux grandes règles à dessin. Les jambes sont longues, minces et faibles, les pieds palmés. Il ne marche presque pas, mais fait huit ou dix pas en courant, et se pose tout de suite comme s’il était fatigué.

« Mes quatre oiseaux sur la mare ne faisaient rien d’extraordinaire ; aucun n’avait de velléité de s’envoler.

« J’en pris un, le plus faible, et le jetai en l’air assez haut. Il prit son vol, piqua une tête contre un mur, et s’assomma.

« Vexé, j’en pris un second, et le montai au premier étage. Ce second était malade, il se laissa choir si stupidement que je le donnai aux chiens.

« J’en pris un troisième ; et je jurai de voir ce jour-là un procellaria au grand vol. Pour cela faire je le montai au sommet de mon observatoire, qui dépassait le toit de la maison de plusieurs mètres. De là je le projetai au large. Ce pauvre diable d’oiseau n’eut pas plus de chance que les autres : il battit fortement des ailes, s’abaissa, et au moment où je le croyais sérieusement en route, rencontra un poteau et se brisa une aile.

« J’avoue que je n’étais pas content de mon emplette, et il y avait de quoi. Dépenser de l’argent pour donner la liberté à des captifs, se creuser la tête, les monter au cinquième et ne réussir à rien, c’était du guignon.

« Il en restait encore un, dernier espoir. Je m’étais mis dans la tête de voir cet oiseau en plein vol, et je ne voulais pas cette fois manquer mon coup.

« Je réfléchis longtemps, enfin il me vint une idée ; voici :