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Page:Lebel - La petite canadienne, 1931.djvu/65

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LA PETITE CANADIENNE

LA VIE CANADIENNE,

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sont, donc jugés en état de légitime défense, et l’IIistoire ne saurait, sans injustice, déprécier leur caractère et la valeur de leurs moeurs. Enfin, ce grand dérangement des Acadiens qui étonna et scandalisa au point qu’on se croyait, revenu au sombre Moyen-Age ! . . . Eh bien ! de nos jours, récemment. l’Italie n’a-t-elle point dérangé tout un peuple, de 80,000 habitants ? Pacifiquement, dira t-on ! Qui le sait au juste... le fait est si récent. . .

Ajoutons, pour conclure, que Benjamin Suite, dans son « Acadie Française », rét.i blit les faits de. façon à ne plus laisser aucune prise au dénigrement et à la calomnie. L’Histoire, il le sait, n’a qu’une façade et n’en peut avoir qu’une, et il nous montre la véritable façade. Les Canadiens, quant aux dénigrements et aux calomnies, ont eu leur large part, Parkman, sans nous avoir complètement déformés, n’a pas moins changé notre visage et modifié nos traits, comme s’il eût voulu, devant la face de la terre, donner l’avantage à ses concitoyens. Au fait, comment la nation des Yankees pouvait-elle s’affirmer supérieure aux autres races de l’Amérique, à moins de rabaisser le caractère le ces races ? Quoique plus petits par le nombre, nous vivions trop près du Yankee pour ne pas lui porter ombrage, lui qui savait notre valeur. Aussi, n’a-t-il jamais cessé de nous considérer comme peu de chose, d’autant mieux qu’il croissait et s’accroissait avec une rapidité prodigieuse et dans des proportions étonnantes et formidables. Dans l’esprit du Yankee, nous étions donc une race inférieure condamnée à vivre à tout jamais dans son infériorité et à y croupir.

Mais Benjamin Suite, dans son « Acadie Française » encore, sait démontrer tout le contraire. Mieux que ça, il prouve combien nous fûmes supérieurs aux Yankees dès les premiers échafaudages que nous fîmes à notre édifice jusqu’à la calamité de 1759. Et après ?... Et bien ! que pouvait-on exiger de nous, alors que nous restions sans force, les mains vides, sans rien. Et pourtant, il faut regarder ce que nous sommes devenus par nos seuls moyens. Et eux, les Yankees, qu’eussent-ils fait à notre place ? Mieux ou pire ? Peut-être pire.. .

Comme nous l’avons dit, les luttes que nous avons soutenues pour nous maintenir dans nos justes droits sont loin d’être finies. Nos voisins de langue anglaise n’ont pas encore appris à nous connaître, et il faudra bien des décades avant qu’une harmonie parfaite s’établisse entre la race française et la race anglaise en Amérique du Nord. I. histoire de notre pays, telle que Garneau et ceux qui l’ont .suivie nous l’ont écrite, a contribué dans une large mesure à faire 1 entente entre les deux races qui habitent le Canada. Mais si nous voulons arriver plus tôt à former une nation unie, si nous voulons grandir dans la paix et la prospérité, il nous faut line entière coopération avec nos concitoyens de langui- anglaise, il nous faut marcher la main dans la main. L’instrument le plus utile et capable de servir le plus fructueusement pour amener cette coopération et cette concorde, le moyen le. plus sûr de détruire- les préjugés, d’anéantir les fanatismes religieux et racial, c’est de construire, en s’y mettant tout de suite, < l’IIistoire de la Nation Canadienne ». L’heure nous paraît venue de commencer les maçonneries de cct édifice important. Lorsque dans toutes les écoles, anglaises et françaises, dans toutes les bibliothèques et élans nos foyers communs nous trouverons « l’IIistoire de la Nation Canadienne », écrite dans les deux langues, ceux de nos concitoyens anglais et les étrangers nouveaux venus qui n’ont ]>u apprendre à savoir ce que nous sommes, et qui, de ce fait, nous méconnaissent un droit d’existence dans ce pays que nous bâtîmes, reviendront de leur erreur ou de leur ignorance, et de ce jour existera la confraternité indispensable à notre prospérité future. Et de ce jour aussi vivra la nation canadienne, le Canada sera aux Canadiens, et voilà qu’auront cessé ces luttes et ces haines de ruée, ces guerres stupides de religion. Pour construire cette » Histoire de la Nation Canadienne » les matériaux ne manquent point. Et voici, précisément, l’oeuvre de Benjamin Suite qui s’offrira aux ouvriers de l’heure pour y puiser quantités de matériaux tout prêts pour l’usage. Et, puisque nous y sommes, pourquoi la Société Royale du Canada, la Société Historique de Montréal, et les autres ne se donneraient-elles pas la main pour élaborer le plan de l’édifice ? Et pourquoi nos dirigeants n’apporteraient-ils pas à cette oeuvre, toute nationale, la plusnationale, leur appui moral et financier ? Voyez donc : « Histoire de la Nation Canadienne » ! Comme cela ferait bien sous le regard des peuples étrangers qui ne nous con-