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Page:Lebel - La petite canadienne, 1931.djvu/77

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LA PETITE CANADIENNE

Il avait lancé avec succès le dernier roman psychologique de Louis Allain, « Le Mauvais Génie », dont une deuxième édition venait d’être mise en librairie. L’avenir de l’artiste était assuré. . . L’hospitalité la plus franche et la plus cordiale attend les intimes frappant à l’huis d’un petit logis du nord de la rue Saint-Hubert, où, dans un intérieur mi-oriental, mieuropéen, règne, heureuse et gaie, Fleur d’Azur. Emile Lavoie Ottawa, ce 7 novembre 1930. LA CRITIQUE DES LIVRES Le Coeur est le Maître Roman par Antonin Proulx Au cours djune étude très savante, et justement élogieuse, que faisait récemment M. Henri de Vitry à propos du délicieux roman canadien de Mlle Marie-Rose Turcot, « Nicolette Auclair », l’auteur disait : ... « a-t-on assez entendu glapir^ périodiquenfent, sur toutes les gammes, et à touslles échos, depuis plus d’un quart de siècle, qu’il n’existe pas,’ à proprement parler, de littérature canadienne-française. . . Nous -l’a-t-on assez serinée, cette seippiteçnelle rengaine dont les notes nous irritent le tympan avec l’importune ténacité des complaintes baroques qui n’ont eu leur petite heure <Je vogue que parce qu’elles étaient précisément étayées sur l’absurdité ou la légende...» Le livre de Mlle Turcot,. l’autre jour, lançait un défi à de telles assertions. Aujourd’hui, c’est le «cas du roman de M. Antonin Proulx que nous avons lu avec beaucoup de plaisir et dont nous voulons nous entretenir durant quelques minutes. En trois mots, ce roman est l’histoire d’un jeune « défiguré » de la<guërre. De retour chez lui," au Canada, après la grande mêlée, le héros se trouve désenchanté. Il semble même aigre envers la vie. Jeune, il a soif d’amour, mais il s’en trouve peu digne.. . trop laid ! Et c’est ainsi qu’il méprend pour de la sympathie toute pure l’amour d’une jeune compatriote qui devient par la suite sa secrétaire. Pour tromper la solitude où le jette son désoeuvrement, il entreprend une correspondance avec une jeune Française d’outre-mer — histoire de « bâtir un roman » , se dit-il. — Mais les correspondances entre inconnus portent à des dénouements souvent imprévus. Le jeune homme s’éprend de la jeune Française ; il croit avoir trouvé en elle l’amour qu’il cherchait, et puis un bon jour file vers la France pour conclure son roman. Et c’est aussitôt après son arrivée là-bas qu’il constate qu’il a fait fausse route, et que c’est chez-lui que l’amour véritable l’attend dans la personne de sa secrétaire. On s’excuse auprès de la correspondante, on revient au pays et le roman se clôt au bonheur de tous. M. Proulx n’a pas voulu faire oeuvre de philosophe, encore moins de polémiste. Cependant il a trouvé, très habilement, le moyen d’intercaler dans son roman beaucoup de psychologie. Il s’attaque même aux préjugés de sa racé, dans des lettres qui ne sont pas la plus faible partie de son livre. Dans ces lettres il parle encore de son pays, de ses compatriotes, de leurs aspirations. Il met en jeu. la question littéraire, et son exposé de la chose est une synthèse de goûts personnels, il est vrai, mais une synthèse qui met en évidence du jugement et un goût fin. Les péripéties du roman donnant lieu à des analyses d’âme qui démontrent encore que l’auteur connaît sa matière et l’exécute avec maîtrise. Chez M- Proulx le coeur seul n’est pas le maître : la logique y a sa place. La. beauté de son travail réside avant tout dans une certaine -note d’originalité, et dans la disposition savante des idées qui s’enchaînent bien pour amener à un dénouement simple et naturel. Ôn a tout récemment vu des conférenciers canadiens-français déplorer la pauvreté du roman canadien. Que ceux-ci, d’abord, s’empressent de lire le livre de M. Antonin Proulx... ce qui les consolera peut-être momentanément en leur faisant entrevoir la richesse future. Somme toute, c’est un livre qu’on doit lire et qu’il faut placer avantageusement sur les rayons de notre « bibliothèque canadiennefrançaise. » Rosaire DI’ON