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Page:Lebel - La valise mystérieuse, 1930.djvu/43

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LA VALISE MYSTÉRIEUSE

Et le visage pâle de la jeune fille s’éclaira d’une belle lueur d’énergie qui ramena la confiance à l’esprit de l’inventeur. Et en même temps, tandis qu’un éclair sillonnait ses prunelles sombres, elle se dit à elle-même, avec un accent impossible à rendre :

— Et maintenant, Philip Conrad à nous deux !…


XV

L’ACCUEIL QUE MAÎTRE ALPACA ET MAÎTRE TONNERRE FIRENT À DEUX AGENTS DE POLICE


C’est à ce moment que Tonnerre et Alpaca. chargés de paquets de toutes sortes, revinrent de la mission dont les avait chargés Henriette le matin de ce jour.

Dès leur entrée, les deux anciens pitres du Cirque « Ringling » remarquèrent les physionomies altérées des deux jeunes gens.

— Bon, ça va mal ! se dit Alpaca.

— Il y a du tracas, pensa Tonnerre, tenons-nous bien.

Puis Alpaca disait :

— Mademoiselle, je pense que vous serez satisfaite de nos premiers services.

— Merci, mes amis. Avez-vous pu faire imprimer les cartes de visite mentionnées sur la liste que je vous ai remise ce matin ?

— Oui, mademoiselle, répondit Tonnerre, mais ça n’a pas été sans quelques peines. Figurez-vous que nous avons dû parlementer avec trois imprimeurs. Sont-ils têtus un peu ces imprimeurs ! Ils réclamaient deux ou trois jours pour imprimer un simple nom deux fois douze seulement. Si bien que nous nous vîmes réduits à la perspective peu alléchante de rôder tout le jour et toute la nuit pour trouver — et sans certitude encore — l’homme qu’il nous fallait. Or, ce que voyant, mademoiselle, au quatrième de ces personnages nous en vînmes au tour des arguments auxquels on ne résiste pas… c’est-à-dire que nous l’avons décidé ! Si mon souvenir est fidèle, il était alors onze heures de matinée. Selon que nous en avait priés cet imprimeur, à qui du reste j’avais eu soin de dire son fait, nous sommes repassés vers les deux heures de relevée. Eh bien ! — cela pourra vous paraître incroyable — cet animal-là a eu la grossièreté de nous faire attendre et languir une grosse heure. En sorte que…

— Et ces cartes, vous les avez ? interrompit Henriette qui redoutait que le verbiage de Tonnerre ne prit fin.

— Les voici, mademoiselle, répondit ce dernier en présentant à la jeune fille un petit paquet.

— Merci.

Pierre Lebon, ayant observé que les deux amis revenaient avec les mêmes habits déchirés, rapiécés, fripés, demanda alors :

— Vous n’avez donc pas acheté des habits pour vous-mêmes ?

— Si fait, monsieur, répondit Alpaca. Mais vu que ces vêtements que nous avons commandés avaient besoin d’un coup de fer, on nous a priés de repasser dans la soirée.

Tout en rendant compte de leur mission, Alpaca et Tonnerre avaient déposé leurs paquets dans un coin de l’étude près d’une fenêtre donnant sur la rue. Une auto venait de s’arrêter devant la maison et deux inconnus en descendaient. Ceux-ci parurent se consulter à voix basse tout en élevant leurs regards vers l’étage et l’appartement où se trouvaient nos amis. Alpaca qui, machinalement, avait jeté les yeux sur la rue, saisit le manège de ces deux hommes qu’il vit ensuite se diriger vers la maison.

Saisi d’un pressentiment, il se tourna vers Henriette et dit, à voix rapide et basse :

— Je pense que nous allons avoir la visite de la police !

— Et ils sont deux ! dit à son tour Tonnerre qui avait également vu arriver les deux agents.

— Je m’attendais un peu à cette visite, dit tranquillement Henriette.

Et en peu de mots elle instruisit les deux amis de l’accusation qui pesait sur Pierre et sur elle-même. Et elle ajouta avec un sourire railleur :

— Vous comprenez, mes amis, que cette visite de la police ne peut guère nous surprendre.

— Que songez-vous à faire, Henriette ? interrogea Pierre ému à cette nouvelle.

— Rien… attendre seulement. En toute probabilité ils s’en retourneront après que Mme Fafard, selon nos instructions, leur aura répondu que nous sommes absents.

— Mais supposons que ces deux hommes s’avisent de monter jusqu’ici, afin de s’assurer par eux-mêmes de notre absence ?

— En ce cas, nous seront arrêtés, voilà tout.

— Arrêtés ! fit Pierre que cette perspective fit pâlir.

— Cela vous effraye ? sourit Henriette.

— Pour moi, personnellement, pas trop. Mais c’est vous, Henriette ! Songez donc… être jetée en prison parmi cette classe de femmes vouées à tous les vices !… Oh ! rien qu’à y penser, je sens l’horreur m’envahir.

— Pierre, reprit la jeune fille, j’ai peur aussi, mais non de la prison, mais de perdre notre liberté, parce qu’en perdant notre liberté nous perdrons toutes chances de retrouver les plans et le modèle de votre Chasse-Torpille. C’est donc là ma seule peur.

— Voulez-vous me permettre un avis ? intervint Alpaca.

— Certainement, dit Henriette.

— Pour ne pas laisser de chance au hasard, je vous conseillerais de vous réfugier dans la chambre que la brave dame de cette maison a mise à notre disposition : et nous, si les deux agents s’avisent de venir mettre le nez ici, nous arrangerons l’affaire. Qu’en dites-vous, Maître Tonnerre ?

— Je dis, répliqua Tonnerre qui crut saisir la pensée de son camarade, que ces deux agents de police laisseront cette maison fort émerveillés de notre parfaite civilité.

En bas une sonnerie vibra longuement.

— Voilà les deux agents qui sonnent, dit Henriette.

— Allons-nous suivre le conseil de nos amis ? demanda Pierre.

— Certainement, la prudence nous le commande.

En entendant sonner à sa porte, Mme Fafard était accourue du fond de sa cuisine. Elle vit deux inconnus bien mis et à l’air respectable. Un moment elle pensa que ces deux hommes