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LA VALISE MYSTÉRIEUSE

hommes. Et alors nous saurons bien la fin de la chanson.

Sur cette conclusion, Parsons se dirigea du côté de la rue Sainte-Catherine.

Resté seul, l’autre alla se poster sur le côté opposé de la rue, dans un endroit plus sombre.

Vingt minutes s’écoulèrent. Puis l’individu vit une silhouette humaine sortir de la maison de Mme Fafard, gagner le trottoir et prendre la direction de la rue Sainte-Catherine.

L’individu s’élança aussitôt, traversa la chaussée et courut sur les pas de celui qu’il put alors reconnaître pour un tout jeune homme.

La minute suivante il abordait ce dernier disant :

— Pardon, monsieur. Voulez-vous avoir l’obligeance de me donner une allumette ? En même temps il exhibait un bout de cigare éteint.

Le jeune homme s’était arrête, avait écouté l’homme avec attention et avait répondu d’une voix fraîche :

— Avec plaisir, monsieur.

Il fouilla sa poche de veste de laquelle il tira une jolie boite d’allumettes.

À ce moment le visage du jeune homme se trouva nettement éclairée par une lampe électrique toute proche.

L’autre dévisagea curieusement le jeune inconnu et ses traits manifestèrent de la surprise.

Cet inconnu était, en effet, un tout jeune homme. On eût douté qu’il dépassât vingt ans. Imberbe, le visage ovale et rosé, les lèvres rouges, les yeux noirs et brillants, c’était un jeune et très joli garçon. Et il était très chic dans un complet de nuance grise, avec chapeau melon noir, bien cravaté, ganté de gris et la canne à la main. C’était une élégance, quoi ! Et l’espion ne put que manifester une certaine admiration. Tout de même il essaya de jouer au plus fin.

— Tiens ! tiens ! fit-il tout à coup avec une familiarité qui parut surprendre fort l’élégant jeune homme, savez-vous qu’on se connaît, mon ami ?

— C’est possible, répondit le jeune homme avec un fin sourire. Mais il est fort possible aussi que vous me preniez pour un autre. Mais pour éviter une erreur, qui pourrait vous être désagréable, voici ma carte, monsieur !

— Et d’un beau porte-cartes en or, le jeune homme avait tiré et tendu un petit carré de carton.

L’espion saisit la carte et lut, non sans la plus grande stupéfaction :

William Benjamin, Jr.
Broker — Chicago.

Et il demeurait sans voix et comme médusé devant la carte d’affaires de l’Américain, quand un petit rire argentin et quelque peu narquois doucement égrené dans la nuit le tira de son saisissement. Il releva les yeux et vit l’étrange jeune homme s’éloigner d’un pas alerte en balançant avec une grâce incontestable sa légère canne.


XVII

L’ARRESTATION


L’espion demeurait sans mouvement, comme hypnotisé, et ses yeux ahuris rivés sur la carte de William Benjamin. Il fut tiré de sa torpeur par les lumières éclatantes d’une auto qui vint stopper à dix verges environ.

De la machine quatre hommes descendirent et s’avancèrent vivement jusqu’à l’espion, à qui l’homme que nous avons reconnu tout à l’heure pour Peter Parsons demanda :

— Y a-t-il du nouveau ?

— Oui, répondit l’espion.

— Quoi donc ? interrogea avidement Parsons.

L’espion narra la scène qui venait de se passer entre lui et William Benjamin, Jr., dont il fit une esquisse.

— Et voici la carte qu’il m’a remise, ajouta-t-il. Parsons prit vivement cette carte qu’il examina avec attention.

— William Benjamin, Jr., lut-il, Broker, Chicago. Et il demeura pensif.

Pendant quelques minutes le silence demeura entre ces cinq hommes, puis, Parsons demanda encore :

— Combien de temps ce William Benjamin est-il demeuré dans la maison ?

— Je l’ignore, ne l’ayant pas vu entrer.

— N’importe ! fit brusquement Parsons avec humeur. D’ailleurs, je devine un peu de quoi il s’agit.

Et se tournant vers les trois personnages descendus avec lui de l’auto, il ajouta :

— Messieurs, vous savez comme moi que Lebon est accusé d’avoir volé aux bureaux de Conrad et Dunton des plans qu’il leur avait vendus ; et ce vol il l’a fait avec le dessein de revendre les mêmes plans à d’autres capitalistes. Pour prouver cette hypothèse, voici précisément un banquier de Chicago qui vient, naturellement, de traiter de l’affaire avec Lebon. La chose est flagrante. Lebon est là, c’est sûr. Et c’est à vous à présent d’agir en conséquence et selon le mandat dont vous êtes porteurs.

Vous êtes certain que Lebon est là ? interrogea un agent qui paraissait douter fort de l’assertion de Parsons.

— Je suis certain que Pierre Lebon est chez lui en ce moment, affirma encore Parsons avec un air de conviction qui fit disparaître les doutes de l’agent incrédule. Néanmoins, ajouta Parsons, Lebon se sait surveillé, et il se tient sur ses gardes, et si vous faites une fausse manœuvre quelconque, il vous échappera et échappera en même temps à la justice. Et puis, il ne faudra pas oublier qu’il a près de lui deux hommes dangereux… ces deux bouffons dont je vous ai parlé. Vous devrez donc avoir l’œil sur ces deux individus. Donc, si vous suivez bien le petit plan d’opération que je vous ai tracé, il est certain que Lebon ne pourra vous échapper.

— Soit, acquiesça l’agent qui semblait être le chef de l’escorte, à l’œuvre !

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