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54 LA VIE CANADIENNE LA VIE CANADIENNE LITTERATURE ET LITTERATEURS (Supplément au "Roman Canadien") Publié dans le but de mettre plus de vie dans le monde littéraire canadien et de coopérer à l’oeuvre du “Roman Canadien”. Nous recevrons avec plaisir les manuscrits que l’on voudra bien nous soumettre. GERARD MALCIIELOSSE Directeur Toute correspondance devra être adressée : “LA VIE CANADIENNE’’ Casier postal 969 MONTREAL Et de nos jours, encore, on nous rapetisse. Est-ce pour la raison qu’un colosse nous fait voisinage ? de même qu’on découvre le chêne avant le chêneau ! C’est possible. Pourtant là, chez ce colosse voisin dont la main géante pourrait nous être si secourable, et là-bas dans les Iles Britanniques, et de l’autre côté de la Manche, et un peu partout, même, sur le continent européen, notre peuple, oui, notre petit peuple est déprécié, s’il n’est pas dédaigné ou méprisé par ceux-là qui s’imaginent le connaître. Ceux qui parlaient de nous au Grand Siècle — et ils étaient clairsemés — le faisaient avec une moue dédaigneuse, et c’est comment un.Voltaire tentait de nous mépriser. Mais Racine, d’un autre côté, aurait pu en des vers merveilleux nous découvrir quelque ressemblance avec lès superbes personnages de l’Olympe, mais sans en rien croire, uniquement pour s’attirer les sourires complaisants et sceptiques du roi Louis. Et, là, il est curieux que Molière n’ait point songé à nous ridiculiser.. . c’est peut-être qu’il ne nous connaissait pas ; d’ailleurs, il vint trop tôt dans le royaume de la terre, ainsi que ses compères Racine et La Fontaine. Et celui-ci, qui nous assure qu’il n’aurait pas été tenté de nous dédier une fable. . . peut-être « Le Singe et la Lanterne Magique » ! Mais passons . . . Sous les deux régimes, français et anglais, qui ont dominé sur notre pays, le Canadien a dû subir la marque d’infériorité. Sous le régime français nous n’étions qu’un rassemblement quelconque d’indigènes fort mal vus, le plus souvent, des arrivants de France. On affectait d’ignorer notre véritable origine, on s’imaginait, et on aimait à se l’imaginer, que le Canadien était un « Indien remodelé » de quelque façon, tout comme l’homme de Darwin n’était qu’un « singe amélioré » . Ah ! c’est que nous n’avions pas encore notre Histoire écrite ! Et nous ne l’avions pas davantage sous le régime suivant, celui des fiers Anglais, gens qui affichaient sans cesse leur supériorité. Sous ce régime encore, combien de ces étrangers nous donnaient les Sauvages pour ascendants directs, immédiats ! Les correspondances de maints fonctionnaires anglais ne nous peignaient pas autrement, quoique sous des couleurs savamment arrangées. C’est ainsi que notre portrait s’en allait à l’étranger. A ce propos, nous nous étonnons que certains de nos gouverneurs français du temps, lorsqu’ils conduisaient en France quelques types de Sauvages apprivoisés, ne se soient pas écriés devant le roi, devant la cour, devant tout le peuple de France rassemblé : « Voici des Canadiens ! » Mais qui nous assure qu’en France on ne le pensait pas ? Aujourd’hui même, et en face de notre Histoire écrite, combien, en France, parmi ceux-là qui nous connaissent ou pensent de nous connaître, nous prennent pour les descendants des Indiens ! Voyez, par exemple, ce monsieur de France en visite chez nous : en premier lieu il s’étonnera de notre civilisation (pas trop reculée derrière la sienne) et aussi de notre langue si pure. Malheureusement, il a entendu parler de Sauvages, comme de vagues primitifs, et il désire se renseigner. Mais il a des préventions qui ne lui feront pas admettre aisément les renseignements justes donnés. N’importe ! Mais, un peu plus tard, voilà qu’il lira dans nos journaux un fait divers venu du pays des Esquimaux, et notre ami français nous demandera, avec quelque candeur, comment il est arrivé qu’une portion de notre peuple ait pu émigrer dans le Nord glacial de notre Canada ! L’ignorance et le préjugé ont bâti sur nos