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SUR LES NOMBRES TRANSFINIS.

démonstration où intervenait le transfini, est sans doute celle qui a permis de déduire le raisonnement de la page 112 d’un raisonnement de M. Borel que l’on peut résumer ainsi : Nous avons une infinité[1] d’intervalles telle que chaque point de soit intérieur au sens strict à l’un d’eux au moins. Choisissons un intervalle contenant à son intérieur, un intervalle contenant à son intérieur, un intervalle contenant , etc. Si l’on n’atteint pas ainsi , il y a un point, appelons-le , qui est la limite des points . Choisissons un intervalle contenant , etc. Il est clair qu’on définit ainsi, par les , une chaîne d’intervalles couvrant . Or il est clair que peut être couvert avec un nombre fini des intervalles  ; qu’il en est de même de puis que cet intervalle peut être couvert avec et certains, en nombres finis des . En continuant ainsi transfiniment on voit que peut être couvert à l’aide d’un nombre fini d’intervalles .

La transformation de ce raisonnement donne : L’intervalle peut être couvert à l’aide d’un nombre fini des , sans quoi il y aurait une valeur telle que ne puisse être ainsi couvert alors que le pourrait être, si petit que soit positif. Or ceci est impossible ; car il existe un intervalle contenant , et par suite, peut être couvert par cet intervalle joint à ceux qui permettent de couvrir  ; l’existence de la valeur est impossible. C’est le raisonnement de la page 112.

L’examen de cette transformation de raisonnement met bien en évidence les avantages et inconvénients de l’une et l’autre forme : sous la deuxième forme il est rapide, d’aspect habituel, il permet de mieux apercevoir les généralisations possibles, les hypothèses restrictives que l’on peut supprimer ; mais il ne donne plus qu’un théorème d’existence alors que, sous la première forme, il fournit un procédé opératoire pour le choix des , en nombre fini, propres à couvrir tout .

M. Borel, dès le début, insistait sur le fait que son raisonnement fournissait un « procédé régulier » pour « déterminer effectivement » les . Sans doute, on pourrait chicaner sur le mot effectivement ; faire observer qu’on ne saurait faire « effectivement » une opération qui comporte une infinité de stades[2], mais, à ce compte, on ne déterminerait pas effectivement une fonction quand on en aurait trouvé un développement en série. On peut, certes, se refuser à employer pour ce cas le mot effectivement ; mais n’est-ce pas déjà beaucoup que d’avoir résolu un problème aussi bien

  1. M. Borel suppose l’infinité dénombrable, mais ceci est inutile.
  2. J’ajoute qu’il n’est à certains égards aucune opération que l’on sache toujours effectuer réellement. Calculer la valeur d’une fonction connue, de , par exemple, est une telle opération. Quand nous disons que est donnée si est connue quand est connu, nous ne donnons pas l’explication de ce qu’on doit entendre par une fonction donnée, nous faisons cette convention : quand on a dit que est donnée, on raisonne comme si l’on pouvait calculer pour chaque valeur de .