Page:Leblanc — Contes du soleil et de la pluie, parus dans L’Auto, 1902-1907.djvu/110

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hurla M. Boulingrin, c’est trop de déveine.

Et il claqua violemment la porte au nez des hommes de l’art.

C’est tout au plus s’il assista aux préparatifs de l’opération.

— Quant à la chose, dit-il, je ne pourrais la voir, je souffrirais trop.

Les jours suivants, d’ailleurs, sa colère persista. Trop généreux, il ne fit aucun reproche à sa femme, mais, pour bien lui montrer son mécontentement, il ne montait dans sa chambre qu’à l’heure du coucher.

Durant trois mois, il en fut ainsi : il boudait, mois d’amertume et de mélancolie pour les deux époux, que jamais n’avait divisés le moindre désaccord.

Enfin, après un long stage sur sa chaise-longue, un jour, Diane put descendre. Héloïse et Achille la tenaient chacun par un bras. Ce fut pénible.

— Entrons au salon, dit-elle, je m’y reposerai avant de sortir.

Ils y entrèrent. Elle s’assit. M. Boulingrin, essoufflé, s’assit également. Leurs yeux, peu à peu, s’accoutumèrent à l’obscurité de la pièce, et, en même temps, ils aperçurent devant eux, dans sa caisse de bois blanc, le tandem.

Alors, ils se jetèrent dans les bras l’un de l’autre en pleurant.

La réconciliation fut sincère. Et ce qui la cimenta ce fut le besoin où ils étaient de leur aide réciproque pour supporter la tristesse de leur situation.

Oui, ils en avaient réellement besoin. Ce tandem inutile, ce tandem qui leur avait coûté tant d’argent, sur lequel ils avaient fondé tant d’espérances agréables ou ambitieuses, leur était devenu une cause continuelle de douleur. Ainsi, ils ne pourraient point s’en servir ! On ne les verrait pas sur la place du marché ! Quel ridicule pour eux ! Tout le monde à Étrépigny connaissait leur acquisition, et l’on ne manquait pas assurément de se réjouir d’une telle déconvenue. Ah ! ils avaient voulu éclabousser les gens de leur luxe et de leurs folies ! Ils le payaient cher aujourd’hui.