Page:Leblanc — Contes du soleil et de la pluie, parus dans L’Auto, 1902-1907.djvu/120

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jours… il est trop tard, maintenant… je vais mourir.

Ses yeux se fermèrent. Une légère convulsion l’agita. J’eus l’impression que c’était la fin, en effet, et rien n’était horrible comme cette mort en ce lieu isolé et dans ces mystérieuses circonstances.

— Qui êtes-vous ? lui demandai-je avec égarement ? Parlez ! dites-moi votre nom…

Un murmure encore :

— Je vous attendais.

Était-ce erreur de sa part, et m’avait-elle pris pour quelque autre, pour un fiancé longtemps attendu au rendez-vous ? Ou bien, plutôt, était-ce folie ?

Je me levai et fis quelques pas, prêt à crier au secours. Mais un geste imperceptible de ses lèvres me ramena près d’elle. Je m’inclinai. Que voulait-elle dire ? Comme ce fut douloureux, l’effort de ces lèvres mourantes ! Je me penchai davantage, et… est-ce possible ! n’ai-je pas été le jouet d’une illusion ? j’entendis mon nom… oui, mon nom, prononcé par elle, dans un souffle…

Et elle expira entre mes bras.

Et je ne sais rien de plus. J’ai cherché durant des semaines, vainement, qui était cette femme ? Quelle fut la cause de sa mort ? Était-ce bien moi qu’elle attendait ? Non, n’est-ce pas ! puisqu’elle ne me connaissait point… Et cependant, mon nom qu’elle a prononcé… mon nom sur les lèvres de cette étrangère…

Je ne sais pas… je ne sais pas… Et comment pourrais-je jamais savoir ?…

Maurice LEBLANC.