Page:Leblanc — Contes du soleil et de la pluie, parus dans L’Auto, 1902-1907.djvu/148

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billard. Où allait-il de la sorte ? Ma foi, pensai-je, il ne sera pas dit qu’ayant une pareille occasion de savoir à quoi m’en tenir sur l’un de mes deux mystérieux personnages je sois assez naïf pour la négliger. Je filai donc à sa suite.

Il roulait, lentement, en homme qui n’est pas pressé. Je distinguais la faible lueur de sa lanterne. Par précaution, j’avais éteint la mienne. Au bout de quarante minutes nous traversâmes Doudeville, sans qu’il s’arrêtât. Désormais j’ignorais la route suivie. On monta une côte, à pied bien entendu, puis, après une demi-heure, on en descendit une très longue pour en remonter une autre qui me parut interminable. Et nous roulâmes ensuite sur un plateau faiblement accidenté.

En vérité, ce n’était point désagréable. Il n’y avait pas un souffle de vent, et la clarté des étoiles illuminait suffisamment la route. À cent pas devant moi, la petite lumière de la lanterne brillait. Et nous allions très doucement, en flânant, comme des gens qui font de l’hygiène.

Enfin, après deux heures et demie ou trois heures de cette marche nonchalante, je discernai, autour d’un clocher, la masse confuse d’un village. Et soudain le sieur Vatinel descendit de machine et s’engagea dans un sentier qui bifurquait sur la droite. J’entendis bientôt un cliquetis de clefs, puis le bruit d’une porte qui s’ouvre et qui se referme.

Je m’approchai. Un cri m’échappa. Cette maison… Mais non, cela ne se pouvait pas… Pourtant, depuis quelques minutes déjà, n’avais-je pas l’impression de retrouver, dans l’obscurité des choses, des spectacles familiers ?

Je pénétrai dans le village jusqu’à la place de l’église. Il n’y avait plus de doute : j’étais à Fauville, et la maison où le sieur Vatinel venait d’entrer était la maison de M. Audimard.