Page:Leblanc — Contes du soleil et de la pluie, parus dans L’Auto, 1902-1907.djvu/197

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— Vous comprenez, n’est-ce pas ?

— Non ! fit-elle.

Je voulus prendre sa main. Elle se dégagea et me dit sans colère, un peu tristement :

— Vous tenez donc à gâter cette bonne journée ?

— Cependant… il m’avait semblé…

— Que je riais de vos plaisanteries sur mon mari ? Pourquoi pas ? Il en riait le premier. Chacun a ses petits ridicules, et ceux-là sont bien peu graves chez un homme qui a tant de qualités.

Je ricanai, assez penaud :

— Tant de qualités !

— Celle-ci, d’abord : je l’aime.

Et cela fut dit si nettement, si bravement, que je n’eus pas envie de me moquer.

M. Fumeron nous rejoignait. Je lui dis :

— Monsieur Fumeron, vous avez tiré le gros lot à la loterie du mariage.

Il me répondit simplement :

— Je tâche tous les jours de mériter la chance que j’ai eue.

Je passai ma soirée avec eux. Je n’avais plus d’ironie envers M. Fumeron, aucune amertume envers sa femme.

Et le lendemain, contrairement à mes intentions, qui étaient de poursuivre ma route du côté de la Bretagne, je revins en compagnie de mes nouveaux amis jusqu’à Coutances par l’intérieur des terres.

Et je pensais qu’il est très bête de railler ceux que l’on ne connaît pas, très bête aussi et très fat de décréter la conquête d’une femme pour cette unique raison qu’une femme dont le mari n’a pas le physique d’un Adonis est conquise d’avance.