Page:Leblanc — Contes du soleil et de la pluie, parus dans L’Auto, 1902-1907.djvu/223

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« Gonfreville. — Notre jolie bourgade a été le théâtre d’un drame vraiment inexplicable. Depuis de longues années le même mendiant, bien connu de tous les habitants, s’installe chaque dimanche au coin de l’église, où il exerce son métier lucratif. Hier, une automobile qui passait sur la place a fait un crochet inattendu et, venant raser le mur de l’église, à écrasé notre malheureux concitoyen. Chauffeur et voiture se sont enfuis aussitôt. »

Cette fois l’attention publique s’éveilla. Il y avait décidément entre ces divers accidents une corrélation trop extraordinaire pour n’être pas prise en considération. On fit des rapprochements. On discuta.

Coup sur coup, deux nouveaux faits : à Évreux, le jour du marché, trois paysans furent renversés, broyés. Une heure après, aux portes de Chartres, une petite voiture où se trouvaient une dame et ses deux enfants était prise de biais et réduite en morceaux…

La vérité éclata. À Évreux, comme à Chartres, il y avait eu des témoins. Tous s’accordèrent sur l’aspect de l’automobile dont ils décrivirent la longueur excessive, l’avant démesuré et la couleur rouge — rouge ardent, dirent-ils, rouge de sang. Tous enfin avaient été frappés de sa manœuvre anormale, exécutée volontairement, aurait-on dit, tellement les personnes atteintes étaient en dehors de la ligne naturelle que suivait la voiture.

L’enquête que l’on entreprit aussitôt sur les premiers accidents révéla de nombreux détails dont la similitude était évidente. Il devint hors de doute que le petit berger, les deux maraîchers, les deux jeunes filles, les paysans d’Évreux et la dame de Chartres, avaient été tués dans des conditions analogues, par un procédé rigoureusement identique.