L’UN VERS L’AUTRE
Geneviève d’Ambleval tressaillit. Elle était descendue de bonne heure ce matin-là, son frère Paul étant arrivé la veille au château avec trois de ses amis, Hugues de Lauzay et Jacques Stirbel, deux cousins qui tous deux prétendaient officiellement à sa main, et Stéphane Ardol qu’elle avait rencontré le printemps dernier à la ville voisine, et dont l’hommage discret et respectueux l’avait profondément troublée. Or, Stéphane Ardol, debout au bas du perron, s’apprêtait à monter à bicyclette.
— Comment ! ricana-t-elle, vous faites de cela ?
— Je fais de cela, répondit-il gaîment.
— Quelle drôle d’idée ! Mais c’est un instrument tout ce qu’il y a de plus vulgaire, disgracieux, vilain, et même démodé, d’après ce que j’ai entendu dire. C’est bon pour ceux qui n’ont pas le moyen d’avoir un cheval.
— Je n’aime pas le cheval.
— Vous ne l’aimez pas !
Elle fut stupéfaite, choquée en ses idées et ses habitudes de fille noble élevée à la campagne, dans ce vieux coin de France quelque peu arriéré.
— Et vous aimez cela !
— Énormément. Ce serait pour moi une véritable peine si j’en étais privé.
— Ah ! vraiment, fit-elle, et rien ne vous y ferait renoncer ?
Elle dit ces mots avec un accent où l’on sentait de l’agression, et aussi le besoin d’essayer son pouvoir.
Il sembla étonné, puis prononça très calmement :
— Ma foi non, rien.
Elle rougit, comme si cette réponse était un défi, un refus d’obéissance ; mais, se forçant à rire, elle s’écria :