Page:Leblanc — Contes du soleil et de la pluie, parus dans L’Auto, 1902-1907.djvu/242

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Il y eut dans ses yeux un peu de reproche, et elle chercha des mots de prière. Et rien n’était lamentable comme son pauvre visage contracté. Mon Dieu, comme elle souffrait ! J’insistai cependant. Elle regarda autour d’elle avec une sorte d’égarement. Elle vit la route, les deux arbres, le petit bois, chancela et tomba tout d’un coup, évanouie.

Quelques minutes après, je l’emportais dans ma voiture, par les mêmes chemins que jadis. Nous traversâmes Attigney, Rezoul, Ardouis. Rien ne m’eût arrêté. Aucune fatigue. Cette fois c’était moi qui fuyais, comme si j’avais eu peur qu’on me l’arrachât. Et lorsque nous fûmes arrivés à Saint-Jore, je me jetai à ses pieds.

— Reste l’inconnue… Qu’importe que je sache ?… Je t’aime telle que tu es, dans le présent et dans l’avenir, comme dans le passé que j’ignore et que j’accepte. Et puis, ne sais-je pas de toi tout ce qu’il faut savoir ? Ne t’appelles-tu pas le bonheur ? N’es-tu pas l’amour ?

Et le lendemain nous sommes repartis. Et je suis heureux…

Maurice LEBLANC.