Page:Leblanc — Contes du soleil et de la pluie, parus dans L’Auto, 1902-1907.djvu/265

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Je repris le chemin que nous avions suivi. Au bout de vingt minutes, après un tournant, nous arrêtâmes subitement.

Sur le bord de la route, contre le talus, il y avait une automobile renversée, brisée, tordue. À côté deux corps gisaient.

Je descendis, C’étaient Maxime et son mécanicien. Ils étaient morts. L’homme ne présentait aucune blessure apparente. Mais Maxime — et c’est là ce qui achève de donner à l’aventure toute son horreur tragique — Maxime avait été frappé entre les deux épaules de trois coups de couteau.

L’enquête fut longue. Avec mon collègue, le juge d’instruction, nous la poursuivîmes patiemment et minutieusement. En vain. Des recherches sur le passé des victimes ne nous en apprirent pas davantage. Tout au plus ce potin : Maxime Bermont aurait été, deux ans auparavant, l’ami très intime de Mme Andrey, la mère d’Henriette et de Suzanne. Voilà tout. Et pourtant je vous jure que je n’ai pas épargné ni mon temps, ni mes forces, ni mon intelligence. Mais, que voulez-vous, il y a de ces choses dont il semble que la destinée est de rester pour nous un inviolable secret. Celle-ci est au nombre de ces choses.

M. de Beautrelet se leva.

— Eh bien ? lui dit-on.

— Eh bien, quoi ?

— Mais la Suite ? la vérité sur le drame ?

— La vérité ? Mais je l’ignore. Vous me demandez une histoire de crime : je vous en raconte une. Je ne puis pourtant pas vous donner le mot d’une énigme que je n’ai pu déchiffrer.

Il nous salua et sortit,

Nous nous regardions, assez décontenancés. S’était-il moqué de nous ? Avait-il imaginé ce récit de toutes pièces, pour nous mystifier et nous punir avec esprit de notre insistance quotidienne ?

Maurice LEBLANC.