Page:Leblanc — Contes du soleil et de la pluie, parus dans L’Auto, 1902-1907.djvu/264

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opérateur exercé, sur une table de dissection.

Et tout cela avait eu lieu derrière nous, contre nous, en notre présence ! Et aucun bruit, aucun mouvement, rien ne nous avait avertis du drame terrifiant qu’il était matériellement impossible que nous n’eussions pas vu, impossible que nous n’eussions pas entendu. ET pourtant…

Vraiment, l’on aurait dit — ce fut l’expression dont se servit par la suite mon ami — on aurait dit la mise en scène adroitement préparée d’un prestidigitateur : tout s’effectue derrière le rideau et à proximité du public, et quand le rideau se relève, on constate des disparitions, des changements, la délivrance de telle personne enfermée dans une armoire, l’emprisonnement de telle autre. C’était à la fois sinistre et absurde, macabre et presque risible, œuvre de quelque fou furieux, à laquelle on eût pu croire que les victimes s’étaient prêtées de bonne grâce, en souriant, et comme on s’offre à faire partie d’un tableau vivant destiné à charmer ou à terrifier les spectateurs.

Nous nous regardâmes, épouvantés. Les domestiques, des gens du château arrivaient et poussaient des cris d’effroi. Mon ami murmura :

— Maxime Bermont…

De fait, lui seul, étant donné la vitesse égale de son automobile, aurait pu… Mais non, cela n’était pas admissible. Pour qu’un acte se produise, il faut qu’un certain nombre de circonstances se trouvent réunies qui le rendent réalisable.

Or, l’hypothèse qui nous venait à l’esprit involontairement était si dénuée de toute vraisemblance que nous n’aurions même pas su la formuler.

Et cependant que faisait Maxime ? Où était-il ? Mon ami me dit :

— Vite, repars, mon chauffeur va te conduire. Peut-être trouveras-tu en route quelque indice…