Page:Leblanc — Contes du soleil et de la pluie, parus dans L’Auto, 1902-1907.djvu/286

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Il monta sur son siège et mit la voiture en marche.

Une seconde je restai. Puis j’eus peur, tout seul, oui, peur, et je rattrapai l’automobile… quoique cela, plutôt, eût dû m’impressionner.

Selon la route qu’elle prendra, pensai-je, je la quitterai soit à la porte Maillot, soit à l’Étoile, et de là, par l’avenue Hoche et les boulevards extérieurs, je gagnerai la place Clichy.

Et je suivis machinalement. J’étais si las et c’était si commode cette voiture complaisante qui m’entraînait dans son sillage ! Et justement elle monta l’avenue de la Grande-Armée, traversa la place de l’Étoile et s’engagea dans l’avenue Hoche, puis sur les boulevards extérieurs, de sorte que je n’eus qu’à m’abandonner… et cependant, cependant il y avait dans tout cela quelque chose qui m’était pénible…

Et soudain, place Clichy, je dus faire un effort pour ne pas tomber : la voiture prenait la rue de Saint-Pétersbourg. Allait-elle tourner ensuite par la rue de Florence, la rue de Florence où j’habite ?

Une angoisse absurde m’étreignit. La voiture tourna. Mais il était impossible qu’elle s’arrêtât au numéro 35 ! devant la maison dont j’occupe, avec ma femme et mon fils, le troisième étage !…

Elle s’y arrêta. Je courus vers la porte. Je le répète, c’était absurde. Il n’y avait aucun motif pour que ma femme ou mon fils eussent été ce jour-là à Saint-Cloud, alors qu’ils n’y allaient jamais.

Je montai précipitamment les trois étages. Je sonnai… je tirai la clef de ma poche… J’étais fou… Étrange folie, car enfin… dix autres locataires…

Mon fils ouvrit.