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CONTES DU SOLEIL ET DE LA PLUIE

LE MIRACLE DE NOËL

Séparateur

La serrure sauta. L’homme s’introduisit dans la remise. À tâtons, il s’assura que la voiturette était à sa place. Il en alluma les lanternes, établit le contact, vérifia la mise en marche, puis, certain que tout allait bien, il sortit l’automobile dans la cour.

Au moment de partir, il jeta un regard du côté du jardin. Aucune lumière n’éclairait la vaste maison. Il se dit :

— Y a pas d’erreur… ils sont tous à l’église… même que j’y ai vu la cuisinière et les larbins… Alors, quoi ?… une petite visite par là…

Il traversa le jardin et monta les degrés du perron. À l’aide de fausses clefs, il n’eut pas de mal à forcer la porte. À droite du vestibule — il le savait, ayant servi l’an dernier comme mécanicien — à droite s’ouvraient les salons ; à gauche, la salle à manger, le billard et deux chambres. Il hésita, puis il prit à gauche, se souvenant d’un secrétaire situé de ce côté…

Il fut très étonné de trouver dans la dernière chambre une lampe allumée. Pourtant il n’y avait personne. En hâte, il fractura le secrétaire et, pour simplifier la besogne, vida rapidement les tiroirs sur le lit, se réservant d’en trier le contenu.

À ce moment, quelqu’un entra, une bonne. Voyant l’homme, elle poussa un cri d’épouvante et s’évanouit.

Vivement il empoigna la pendule et les chandeliers et les jeta sur le lit, ainsi qu’une coupe d’argent, un coffret ancien et deux vases. En un tour de main, il rabattit les draps sur les objets entassés, noua solidement les quatre bouts, chargea le paquet sur son, épaule, quitta la maison, rejoignit la voiture, la mit en mouvement, et bientôt vira sur la grande route.

La cloche de l’église retentit. Il évita la rue principale et gagna les bords de la Seine. Il les suivit jusqu’au pont d’Asnières, La rue de Villiers le conduisit près des fortifications. Il demeurait par là, dans l’une de ces petites baraques qui avoisinent la Porte des Ternes.

Son intention était de déposer d’abord son chargement chez lui, puis de se rendre avenue de Neuilly, où plusieurs de ses camarades, associés, tenaient un garage auquel il avait déjà fourni personnellement quelques automobiles achetées au même prix. On les maquillait. Le commerce était lucratif.

Sa baraque se trouvait à l’écart et non