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CONTES DU SOLEIL ET DE LA PLUIE

LA HACHE

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Nous causions sport en présence de quelques dames, et nous les interrogions tour à tour sur leurs goûts et leurs préférences. Cette question principalement leur fut posée : « La femme admire-t-elle l’effort, la prouesse ? »

Mme Arnold, cette jolie veuve qui, depuis la mort de son mari, mène en plein jour une vie si noble et si pure, nous dit :

— Je crois que, d’une façon générale, la femme manque de finesse en matière sportive. Ce que nous admirons surtout, c’est la victoire. Nous applaudissons le vainqueur non point tant parce qu’il a accompli un exploit que parce qu’il est celui qui a triomphé. C’est pourquoi les records nous laissent indifférentes. La femme se considère toujours plus ou moins comme une reine de tournoi qui va décerner la palme au chevalier le plus adroit ou le plus fort.

— Mais cependant, lui dis-je, l’énergie, la résistance sont des qualités que vous appréciez ?

— Oui, si elles se manifestent par quelque chose d’anormal et d’exceptionnel. L’élan d’un coureur qui passe le but ne nous passionne pas. Mais si cet homme a couru pendant des heures, pendant des jours, s’il vient de loin, de très loin, s’il a supporté des fatigues inouïes, alors notre sensibilité s’émeut et notre imagination s’exalte. Voyez-vous, ce qui nous trouble, ce n’est pas l’acte de courage et de force raffiné, civilisé, catalogué, chronométré, c’est l’acte grossier, brutal, primitif, au besoin monstrueux et révoltant. Ainsi…