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CONTES DU SOLEIL ET DE LA PLUIE

PAS SPORTIVE

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— Décidément, grand’mère, t’es pas sportive pour deux sous !

— Moi, pas sportive ?

— Dame ! je tire sur la guide de droite et tu tournes à gauche… T’appelles ça du sport ? Et puis, t’as une allure qu’est ni du trot, ni du pas. Faudrait pourtant choisir.

Grand’mère aurait bien voulu choisir le pas. Mais les claquements de fouet de Jacques, les hue, les dia, étaient si nombreux qu’elle n’osait point ralentir. Et, les deux bras serrés par les guides, sous sous conduite impérieuse de son petit-fils, elle trottinait autour de la pelouse, devant la maison qu’ils habitaient à l’extrémité du village depuis la mort des parents de Jacques.

— Mais non, s’écria-t-il, pas par là, puisque j’tire ni à droite ni à gauche.

— On a sonné.

— Alors, quoi ! tu vas ouvrir ? Comme si un cheval savait tourner une clef.

— Eh bien, ouvre, toi.

Jacques tourna la clef, tira la porte et resta stupéfait : Gravely, le mécanicien de la bourgade voisine, était là. Il tenait par le guidon une petite bicyclette d’enfant, légère, mignonne, étincelante.

— Mais, grand’mère, c’est celle que nous avons vue dimanche dans la vitrine, celle que j’avais envie,

— Et que je t’offre pour ta fête, qui est demain. M. Gravely vient justement te donner ta première leçon.

Il la regarda. Elle ne riait pas, Il rougit de plaisir, comprenant que c’était vrai, qu’il aurait une bicyclette à lui, qu’il en avait une. Et il se jeta dans les bras de sa grand’mère,

Elle lui dit :

— Pour le coup, j’espère que tu me trouves sportive.