Page:Leblanc — Contes du soleil et de la pluie, parus dans L’Auto, 1902-1907.djvu/348

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Cependant, on jugea plus simple de redresser la voiture. Ce fut aisé. Il n’y avait plus qu’à retirer là duchesse, Mais pourquoi ne l’entendait-on pas ? Était-elle morte ? évanouie ?

On parvint jusqu’à elle. Je la vis alors, immobile, pliée en deux, les poings collés sur sa figure. Et soudain, dès qu’on l’approcha, voilà qu’elle se mit à protester.

— Allez-vous-en… laissez-moi… je n’ai besoin de personne.

Quelqu’un s’avança :

— Je suis docteur, Madame, et si vous me permettez…

— Non, non, qu’on me laisse… C’est abominable ! on n’a pas le droit de m’importuner… je n’ai rien…

Elle devait pourtant avoir « quelque chose », car sa voix faiblit, sa résistance devint moins énergique. Le médecin dit :

— Elle se trouve mal… il lui faut de l’air.

Les ressorts étant faussés, on ne put rabattre la capote. Alors les coussins furent enlevés et disposés sur le trottoir, et l’on y transporta la duchesse.

Bien qu’elle eût perdu connaissance, elle semblait se défendre encore, raidie, figée dans la même posture. On eut toutes les peines du monde à écarter ses poings. Ils se crispaient contre son visage, s’y incrustaient, rigides, comme si elle avait été prise de sommeil hypnotique.

On y parvint cependant.

Et je compris : la duchesse était laide ! Laide, non, le mot est injuste, mais elle n’est pas belle. Surtout elle n’a point cette divine fraîcheur dont on la croit parée. Je peux l’affirmer, puisque je l’ai vue à l’état naturel, « non faite », alors que