Page:Leblanc — Contes du soleil et de la pluie, parus dans L’Auto, 1902-1907.djvu/390

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

cet air d’intérêt un peu apitoyé que l’on prend avec les petits enfants qui souffrent, lui dicta toute une liste de prescriptions, rajusta ses couvertures, et, m’ayant salué, s’éloigna à pas lents.

— Ma foi, je m’y perds, m’écriai-je ; vous avez pourtant une mine resplendissante ?

— Et elle ? me dit-il vivement, en montrant du doigt celle qui s’en allait.

— En effet, je reconnais que Mme Marcillan… Cependant les soins que vous prenez, ce n’est point pour elle ?…

— Pour elle, si, je vous l’affirme.

— Expliquez-vous.

— Oh ! mon Dieu, c’est bien simple. Ma femme et moi, nous nous aimons beaucoup. Après quelques années de mariage, sa santé a rapidement décliné. Avec l’insouciance de ceux qui se portent bien, je n’en ai tenu aucun compte, et notre vie à continué comme auparavant, vie de fatigue et de surmenage, jusqu’au jour où Thérèse tomba tout à fait. Je voulus qu’elle se soignât, mais je me heurtai à une nature affreusement impressionnable, que l’idée seule de se soigner terrifiait. Consulter un médecin lui donne à croire aussitôt qu’elle est perdue. Elle se frappe. Elle s’affole. En un mot, elle est de ces malades qu’on ne peut guérir qu’en leur persuadant qu’ils ne sont pas malades.

C’est ainsi que j’ai été amené à simuler des troubles nerveux, des malaises, et que ma femme, au comble du tourment, s’est mise en tête, un beau jour, de me conduire ici. Je me suis laissé faire, et maintenant je me soigne. Il faut à Thérèse le soleil et le grand air : je me cuis au soleil et je m’emplis de grand air. Il lui faut l’isolement et le silence : nous habitons deux chambres séparées, je ne vois personne et je ne desserre pas les dents.

— Mais, le docteur, que dit-il ?