Page:Leblanc — Contes du soleil et de la pluie, parus dans L’Auto, 1902-1907.djvu/389

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J’avoue que l’aventure m’étonna. Si tant est que l’on vienne à Val-Mont, ce n’est point pour courir les routes, la nuit, et une pareille équipée est vraiment en dehors de tout ce que l’on peut imaginer de la part des fidèles du docteur.

Cependant, je n’eus pas la patience d’attendre le retour de cet original, et je me couchai.

Quelle ne fut point ma surprise, le lendemain, lorsque, en sortant de ma chambre, je me trouvai face à face avec Paul Marcillan. Il sortait de la chambre de droite.

— Comment, vous ! m’écriai-je.

— Comment, vous ! répondit-il.

— Et vous habitez cette chambre-ci ?

— Et vous habitez celle-là ?

— Mais vous n’êtes pas malade ? lui demandai-je.

— Pardonnez-moi, très malade.

J’éclatai de rire. Marcillan est le type de l’athlète, et de l’athlète dont les facultés intellectuelles ne troublent pas l’excellent équilibre. Nous le connaissons tous, nous savons ses exploits de cycliste — n’est-il pas champion du monde amateur ? — ses mérites d’escrimeur, de pugiliste, d’alpiniste. C’est l’homme réellement fort, conscient et orgueilleux de sa force, l’entretenant et la développant.

Soudain, il me prit par le bras.

— Sapristi, je devrais être étendu au soleil.

Il m’entraîna dehors jusqu’à une sorte d’esplanade qu’entoure un demi-cirque de rochers et où les rayons du soleil s’accumulent, s’entassent, se réfléchissent comme des images que se renverraient les mille facettes d’un miroir.

À peine s’était-il installé sur un rocking-chair et enveloppé de couvertures qu’une dame s’avança, très pâle et d’une maigreur extrême.

— Ma femme, dit-il, en me présentant.

Elle lui demanda, de ses nouvelles de