Page:Leblanc — Contes du soleil et de la pluie, parus dans L’Auto, 1902-1907.djvu/414

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Et, tout de suite, une, deux, trois dépositions établirent ce fait : le comte, en partant de chez lui, s’était dirigé vers ma demeure. Il y avait passé une heure et demie. Il en arrivait quand l’accident s’était produit.

Et, coup sur coup, ces autres révélations d’une importance capitale et que vingt témoins attestèrent : tous les jours, tandis que je chassais ou me promenais à cheval et que mes deux fils prenaient leurs leçons au bout du parc, dans la petite maisonnette réservée à leur précepteur, le comte venait au château. Et cela ouvertement, au vu et au su de tous, sans souci des méchantes langues.

Cet état de choses durait depuis deux mois. On en riait à l’office, et le bruit commençait à s’en répandre dans les châteaux voisins.

Quatre fois en quinze jours, le juge d’instruction se rendit chez moi. Il perquisitionna. Il interrogea les domestiques.

Une piste lui parut d’abord digne d’intérêt : celle d’un braconnier avec lequel M. de Gasser avait eu maille à partir. Mais cet homme fournit un alibi. Il s’écoula ensuite deux semaines, et un jour je reçus une convocation.

Après quelques préambules, le juge me tendit une feuille de papier froissée et salie en me disant :

— Voici, Monsieur, une lettre anonyme qui paraît vous avoir été adressée quinze jours avant le crime. Veuillez en prendre connaissance.

Je lus :

« Vous êtes prévenu de la visite quotidienne que le comte de Gasser fait en votre château. La raison en est facile à deviner. L’ignorez-vous, ou bien êtes-vous complice ? Quand on porte votre nom, on agit. »

Je rendis ce papier.