Page:Leblanc — Contes du soleil et de la pluie, parus dans L’Auto, 1902-1907.djvu/437

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subordonne à la femme ni ses plaisirs, ni ses habitudes, ni la santé de ses enfants.

— Dis donc, c’est un jeu auquel nous ne sommes pas non plus si étrangers.

— Et voilà pourquoi, malgré tout, je ne désespère pas absolument de vous. Le foot-ball, vois-tu, c’est la pierre de touche, c’est le sport sans phrases, le sport pour le sport. Vos tout jeunes gens en effet l’aiment et le pratiquent. Encore une génération, et vous serez sauvés. En attendant, la vieille idole féminine pèse sur vous, et vous corrompt moralement… et physiquement.

Devraine dit encore beaucoup d’autres choses où le paradoxe se mêlait à la vérité, et je passai avec lui une heure fort agréable. Quel drôle de garçon, si vivant, si amateur de la vie dans ses manifestations les plus violentes !

Je dus lui promettre de revenir le lendemain, et je revins en effet de Montreux où j’étais installé.

Mais quand je le fis demander, le portier de l’hôtel me regarda et me dit :

— Monsieur n’est pas parent de M. Devraine ?

— Non, son ami simplement.

— Ah ! bien…

Et je sus que Devraine, surpris par le mari d’une Anglaise qu’il aimait follement, avait été tué, la nuit précédente, d’un coup de revolver.

Pauvre Devraine ! À quoi bon se faire naturaliser anglais, si cela ne vous met pas à l’abri des grandes amours et des catastrophes professionnelles !…

Maurice LEBLANC.