Page:Leblanc — Contes du soleil et de la pluie, parus dans L’Auto, 1902-1907.djvu/443

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Et voici que les hommes et que les femmes, que tout le village se met à courir. Enfin, on le tient, celui-là | Vainement il s’acharne, essaye de repartir ; il n’aura pas le temps ! Il ne peut s’échapper… Encore quelques secondes, et deux gaillards, plus agiles, le prendront au collet…

— Le premier qui avance, je le tue comme un chien !

Très tranquillement, ayant constaté l’irrémédiable panne, l’homme a tiré de la voiture un fusil de chasse, et se tient au milieu de la route, solidement campé, l’arme en joue, le doigt sur la gâchette.

Les deux assaillants sont cloués sur place. Et les autres… et tout le village… personne ne s’aventure plus loin.

— À merveille, les amis… je vois que vous êtes raisonnables… Maintenant il faut continuer, n’est-ce pas ? Je vous avertis que mon fusil a une rude portée et que je ne rate jamais mon coup. À bon entendeur salut.

Il jette son arme sur l’épaule et s’en va paisiblement. De temps à autre il se retourne. Nul ne le suit. À deux cents pas de là il entre dans les champs. On ne le voit plus.

Les hommes cependant se concertaient. Que faire ? Une femme les traite de lâches. Mais une chose, plus encore que la crainte, les empêche d’agir : c’est de voir auprès d’eux, inerte, abandonnée, l’automobile. Le chauffeur s’échappe, soit, mais l’automobile reste, et, par elle, il faut bien que l’on retrouve le chauffeur.

On la traîne donc triomphalement jusqu’à la place. Le maire est prévenu. La gendarmerie est prévenue. Et en attendant l’ouverture de l’instruction on enferme la voiture dans la grange où la pompe à incendie est déjà remisée.