Page:Leblanc — Contes du soleil et de la pluie, parus dans L’Auto, 1902-1907.djvu/445

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Le Conseil de préfecture refusa l’autorisation.

Brametot s’indigna. Il y avait si longtemps que l’automobile résidait au milieu du village qu’on avait fini par la considérer comme appartenant à la commune. En outre, les frais qu’on venait de faire ne constituaient-ils pas un droit de propriété ?

Le maire, Anselme Vêtu, le pensait sincèrement. Il le pensait si bien qu’un jour, son cheval étant malade, il n’hésita pas. Il convoqua le fils Dessourd, qui conduisait, au régiment, l’automobile du colonel, monta dans la 24-chevaux et se rendit à la foire voisine.

Trois jours après, un des adjoints s’en servit également.

Huit jours après, l’autre adjoint.

Puis ce fut le tour du pharmacien, et celui de l’épicier, et celui de tout le monde.

Et voilà comme quoi la commune de Brametot possède son automobile.

Le fils Dessourd en est le conducteur.

Quiconque la prend pour son usage particulier paye sa part d’essence et d’huile.

Pour les services publics la commune paye.

Ainsi Crévecœur, qui descendait chaque matin jusqu’à la rivière avec le tonneau communal, se sert maintenant de la 24-chevaux.

La semaine passée, c’est la 24-chevaux qui a été chercher monseigneur l’archevêque, venu pour la confirmation.

Actuellement, Bourgeon, le gros fermier, l’attelle à sa fourragère et rentre ses colzas.

— 24 chevaux valent mieux que quatre, dit-il avec raison.

Et tout va bien. Mais, pour Dieu, que ce brave M. Martin ne s’avise pas de revenir !

Maurice LEBLANC.