Page:Leblanc — Contes du soleil et de la pluie, parus dans L’Auto, 1902-1907.djvu/469

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Une dame entra. C’était une femme de haute taille, très belle, coiffée d’un chapeau à longues plumes retombantes et vêtue d’un magnifique manteau de zibeline. Elle s’assit, et tout de suite, d’une voix claire et bien scandée.

— Madame, la démarche que je viens faire auprès de vous est infiniment délicate. Aussi est-ce beaucoup moins à la directrice du garage que je m’adresse qu’à Mme de Valterre, à la femme du monde dont je sais toute la finesse, tout l’esprit… et toute la discrétion.

— Parlez sans crainte, Madame. La discrétion est de rigueur chez moi.

— Voici ma carte.

La dame sortit de son carnet un mince bristol qu’elle tendit à la directrice. Celle-ci lut :

« Comtesse de l’Estrade, château d’Épinay. »

— Ah ! fit-elle, très intriguée.

La comtesse reprit :

— Vous avez reçu hier la visite d’un monsieur Louis Colange, n’est-ce pas ?

— Oui

— Et vous avez convenu avec lui qu’une automobile m’attendrait demain soir, vers minuit, à la petite porte du château d’Épinay ?

— Je ne sais si je puis…

— Vous pouvez, Madame, puisque M. Colange et moi nous sommes tout à fait d’accord sur mon enlèvement et qu’il m’a rapporté lui-même les termes de votre conversation.

— J’avoue donc que, demain soir, je dois procéder à votre enlèvement.

— Bien. Alors, moi, je vous prierai de me dire combien vous demandez pour ne pas procéder à cet enlèvement ?

— Mais… Madame… Vous m’embarrassez fort… Mon catalogue ne prévoit pas… Je n’ai jamais vu offrir de l’argent pour n’être pas enlevée… au contraire.

— Quelles sont les conditions souscrites par M. Colange ?

— Mille francs d’à-compte, quatre