Page:Leblanc — Contes du soleil et de la pluie, parus dans L’Auto, 1902-1907.djvu/492

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« Donc, Monsieur, restez-en là et, croyez-moi, n’essayez pas plus longtemps de nous faire frémir avec des contes à dormir debout. La réalité est plus simple et plus banale, sans compter que, bien souvent, vous dépassez le but et que l’on a quelquefois, plus envie de rire que de trembler. »

Je l’avoue, cette lettre m’a quelque peu inquiété. Mon correspondant anonyme avait-il raison ? Je me sentis des remords envers l’automobile. En accusant de tant de forfaits un sport qui m’a donné tant de joies, n’étais-je pas injuste ? Tout se passait-il uniquement dans mon imagination, et la réalité n’offre-t-elle donc jamais de ces drames terribles et troublants que nous nous plaisons à inventer ? En un mot, n’y a-t-il pas vraiment dans l’automobile une source de mystère et d’épouvante que nous ne connaissions pas encore ?

J’ai trouvé la réponse dans un article de journal belge que j’ai mis de côté au mois d’août dernier, et que le hasard fait tomber de nouveau sous mes yeux. Je le reproduis dans toute sa simplicité, et je demande si jamais conteur a imaginé quelque chose de plus effroyable, de plus tragique et de plus anormal.

« La nuit dernière, à Blankenberghe, Mme Neyrinckx était fort inquiète de ne pas voir rentrer son mari, mécanicien, qui avait été appelé à Zuyrenkerke, à mi-chemin de Bruges et de Blankenberghe, pour une réparation à faire à une automobile. La réparation s’était prolongée très longtemps et l’entrepreneur n’avait pris le chemin du retour sur sa motocyclette qu’à trois heures du matin. La femme, tourmentée de cette absence, avait éveillé son fils, Un jeune homme de vingt-quatre ans environ, et lui avait demandé d’aller à la rencontre de son