Page:Leblanc — Contes du soleil et de la pluie, parus dans L’Auto, 1902-1907.djvu/57

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Le soleil descendait parmi les fantômes des arbres, et son orbe rouge et sans rayons se réfléchissait sur le clair miroir. De loin, elle en enveloppait le reflet d’ondulations et de cercles mouvants, Pareille à quelque flamme blanche échappe du foyer lumineux, à quelque nébuleuse errante et libre.

Vision qui me grisait comme si j’assistais aux jeux adorables d’une fée ! N’était-ce pas pour moi, puisque nul autre ne troublait sa solitude, qu’elle déployait ainsi la magie de ses gestes, et ce qu’elle inscrivait ainsi au cœur de la glace vierge, n’était-ce point de ces mots qui enchantent et de ces formules qui ensorcellent ?

L’ombre vint. Un frisson de froid Courut à la surface du lac. Elle passa près de moi, si lentement qu’il me fut possible de discerner, à travers sa voilette, l’éclat sombre de ses grands yeux, et, glissant vers la berge, elle monta les degrés qui conduisaient à l’un des parcs, enleva ses patins et disparut dans les ténèbres.

Une heure après… comment suis-je parvenu à savoir son nom, Édith Saint-Aure ? quel prétexte ai-je imaginé pour pénétrer chez son père, vieux savant avec qui, jeune fille, elle vivait en ce pavillon isolé ? je ne sais vraiment plus ; mais, une heure après, je sonnais à sa porte.

Une servante m’ouvrit. Le père étant absent, je demandai Mlle Saint-Aure. On m’introduisit dans une petite pièce basse meublée de livres. Elle était là.

Elle était là, voilée encore et drapée de ses vêtements d’argent. Qu’ai-je dit ? Des phrases sans suite d’abord et balbutiantes, puis tout à coup la vérité, franchement, sans artifice, avouant le mensonge de ma visite et le mouvement irréfléchi d’admiration et d’enthousiasme qui m’amenait à elle.

Elle m’écouta sans m’interrompre. Au-