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CONTES DU SOLEIL ET DE LA PLUIE

LE TOURNOI

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Cet été, ma fille Lauriane a pris vingt ans. Elle est grande, forte et harmonieuse. Sa beauté, plus encore que sa fortune, j’en suis sûr, et que l’éclat du vieux nom qu’elle porte, attirait de nombreux prétendants. Je résolus de la marier.

Ma tendresse et mon respect pour elle m’interdisant de peser, si peu que ce fût, sur sa décision, je voulus qu’elle choisit dans des conditions de liberté telles que son choix pût être clairvoyant, raisonné, logique, en accord avec ses goûts, son imagination et son cœur. C’est pourquoi j’ouvris toutes grandes les portes du château à quelques-uns de mes jeunes camarades de cercle, aux amis de mon fils et aux amis des compagnes de ma fille.

La rivière coule au bas du parc. La pelouse offre un tennis. Le golf s’étend sur de vastes prairies. Les larges routes rayonnent à perte de vue. Un massif d’âpres collines se hérisse non loin. Bicyclettes, chevaux de course, de polo et de parade, automobiles, fusils, fleurets, rien ne manquait.

Vers le milieu d’août évoluaient autour de Lauriane vingt jeunes hommes, tous empressés à se faire valoir, adroits, entraînés, ardents, et justement jaloux les uns des autres. Véritable tournoi dont elle était la reine et qui plaisait à son instinct de fille noble !

Passionnée de plein air, éprise de tout ce qui marque la force et l’endurance, elle comparait les exploits, discernait les mérites, et le regard d’approbation que ses grands yeux bleus fixaient sur le vainqueur était le signe de triomphe que les rivaux se disputaient le plus avidement.