Page:Leblanc — Contes du soleil et de la pluie, parus dans L’Auto, 1902-1907.djvu/60

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En septembre il n’en restait que quatre, les autres ayant senti l’inutilité de leur poursuite. Et sur ces quatre, il me parut que Bertrand d’Avrezy, moins souple et moins robuste, s’éliminait de lui-même, du jour où, sans plus participer aux luttes, il se contenta d’y assister en spectateur.

Et le tournoi fut entre Pierre de Longueville, athlète puissant, grave, simple, au bon visage d’amoureux timide et dévoué, Aristide Géreuse, nerveux, élégant, infatigable, mystérieux et séduisant, et ce grand fou d’Hector de Beaupré, si déconcertant d’audace, chevalier d’aventures inouïes, héros sympathique et charmant. Lequel de ces trois serait l’élu ? Vainement je tâchais de le deviner aux manières de Lauriane. Rien ne révélait ses sentiments.

Et peut-être était-ce l’incertitude qui donnait à chacun tant d’espoir tenace et le stimulait d’un tel zèle. Leurs moindres gestes étaient des gestes d’hommes qui veulent plaire et conquérir. Visiblement ils ne pensaient qu’à cela et n’agissaient que pour cela. L’orgueil égalisait leurs chances dans les jeux mêmes où d’ordinaire leur valeur différait. Géreuse, un jour, meilleur cycliste, suivit durant six heures la voiturette de Beaupré. Le lendemain Longueville, de souffle plus court cependant, tenta la même épreuve et réussit. À la chasse, au polo, devant la cible, ils triomphaient alternativement sans que la suprématie d’aucun pût s’affirmer de façon définitive.

Certes, je ne faisais pas à Lauriane l’affront de croire que son choix dépendît du plus ou moins d’habileté à ces exercices, d’une victoire de cycliste ou d’escrimeur ; mais c’étaient là manifestations d’énergie et de volonté au travers desquelles son intuition de femme devait distinguer les qualités d’humeur et de caractère qu’elle demandait au futur