Page:Leblanc — Contes du soleil et de la pluie, parus dans L’Auto, 1902-1907.djvu/62

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

les mots divins qui nous paraissent aussi doux que les caresses que nous ignorons encore. Il m’a pris par là, père. En amour il n’est pas un acte qui vaille une parole…

Au fond, vois-tu, la femme ne peut guère se marier qu’au hasard, sur des apparences. La force, l’audace, l’énergie, l’adresse ne nous offrent, quoi que tu en dises, que des indices bien superficiels. Alors pourquoi ne pas nous en rapporter tout simplement à la parole ? Elle n’est pas plus fausse qu’un geste, et combien elle est plus séduisante, plus enveloppante, plus compliquée, plus mystérieuse, plus adorable !

Elle ajouta d’un ton de câlinerie charmant :

— Ah ! père, ne me méprise pas. Savoir parler est un sport comme les autres. L’éloquence vaut la force, car elle donne non seulement l’illusion de la force, mais de choses bien plus hautes, de l’intelligence et de l’esprit. Elle éclaire, elle illumine, elle ennoblit, elle embellit… Ah ! si tu savais, père chéri, comme sa voix me grise ! Tout l’amour est en elle ! Je l’aime, je l’aime…

Maurice LEBLANC.