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CONTES DU SOLEIL ET DE LA PLUIE

Sur la Corniche d’Or

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J’ai demandé à mon ami Gerfeuil de me raconter dans ses détails l’extraordinaire, l’incroyable aventure qui lui est arrivée et dont nous fûmes tous les témoins épouvantés, le jour de l’inauguration, sur la route de l’Estérel. Et voici le récit qu’il m’a fait :

— « Vous vous rappelez, n’est-ce pas, la manière dont on a procédé à Saint-Raphaël ce jour-la : les automobiles s’arrêtant une à une devant le groupe des officiels, recueillant, selon le nombre de places disponibles, deux ou trois invités, virant et s’enfuyant vers la Corniche d’Or.

J’attendais mon tour.

L’un des derniers sur la liste que suivait le délégué, je vis partir près de deux cents voitures de toutes formes, de toutes dimensions, de toutes couleurs, et qui toutes s’élançaient avec une joie de délivrance. Il y avait vraiment un air de fête, dû au soleil éclatant, aux drapeaux déployés, à la poussière, au bruit des troupes, et dans l’ivresse générale, je devenais impatient, avide de mouvement et d’espace.

Enfin on appela mon nom. Je m’avançai rapidement, mais une surprise m’arrêta.

En face de moi stationnait une énorme voiture, une sorte de bête couleur d’acier, qui haletait et tressautait, et dont l’aspect avait quelque chose de redoutable. Deux sièges trouaient la carapace du monstre. La main sur le volant, le visage invisible sous ses voiles, une femme occupait l’un de ces sièges.

On me pressa.

— Eh bien quoi, monsieur, vous ne partez pas ?