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Je montai. À l’instant même, j’entendis quelqu’un, dans la foule, qui disait :

— Est-ce possible ? La princesse !

Nous étions loin déjà.

J’éprouvai tout d’abord une gêne assez compréhensible. La situation était bizarre. Je ne connaissais point cette femme, elle ne me connaissait pas davantage, et nous nous trouvions l’un près de l’autre dans de telles conditions et d’une façon si imprévue pour moi, que j’en restais, je l’avoue, quelque peu interdit.

Avant tout, cependant, ne devais-je pas me présenter ? Je le fis, ajoutant quelques mots de politesse et de remerciement, et une phrase aussi spirituelle que possible sur l’originalité de notre rencontre. Mais je ne reçus aucune réponse, ce qui n’était pas pour me mettre à l’aise.

Alors je me tus et regardai le joli spectacle des bois de sapins et des golfes paisibles entre lesquels la route serpente — où du moins j’essayai de regarder, car, à tout moment, une sensation désagréable me ramenait à la réalité. C’était celle de la vitesse excessive à laquelle nous marchions, dépassant toutes les minutes quelqu’une des voitures qui nous précédaient, et cela contrairement aux instructions reçues avant le départ.

Ces exploits nous valaient souvent les imprécations des autres chauffeurs ; un peu lâchement, moi, je ricanais :

— Ils sont vexés.

Elle, demeurait impassible.

Agay, Antéor… les villas, les arbres, les rochers rouges défilaient de plus en plus rapidement autour de nous, et beaucoup de voitures aussi, dont on eût dit qu’elles ne bougeaient pas, tellement notre élan les laissait sur place. Mais un cortège de cris furieux nous accompagnait.

Énervé à la longue, je ne pus me retenir d’insinuer :