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Le mois suivant, Lucien fut appelé pour une période de vingt-huit jours, deux années de suite il avait obtenu un sursis Par raison de santé. En serait-il de même cette fois-ci ?

À la caserne où il se présenta un dimanche soir, on lui enjoignit de revenir le lendemain. Le lendemain dès son arrivée, il fut expédié à la visite.

Les hommes étaient entassés dans l’escalier et dans le couloir, attendant leur tour. Une heure s’écoula. Le sous-officier de service fit alors entrer Lucien et une vingtaine de ses camarades dans une grande salle où il reçurent l’ordre de se déshabiller. Puis, par groupes de trois, ils passaient à côté, devant le major qui les examinait un à un.

Or, Lucien se trouva le dernier de sa série, et au moment où le major allait s’occuper de lui, trois hommes furent introduits, nus également. Et l’un de ces hommes était Hervé Jalabert.

Il tressaillit et baissa la tête, sans répondre au petit signe d’intelligence que lui adressait Herve. Il eût voulu disparaitre, ou du moins se couvrir de quelque vêtement. Tous deux nus, l’un en face de l’autre, cela le gênait horriblement.

Cependant le médecin, avant de l’examiner, lisait les mots du dossier qui le concernait. Et malgré lui Lucien leva les yeux et regarda celui qu’il détestait.

Grand, puissant, le buste un peu fléchi sur une de ses jambes, les bras croisés Sur sa large poitrine, Hervé était vraiment beau à voir. Il donnait cette impression que l’on éprouve devant tout ce qui est harmonieux et noble, l’impression de la perfection. Cela se dégageait de lui comme d’une statue antique. Et Lucien qui avait un âme d’artiste ne put s’empêcher de l’admirer.

Alors, par une association d’idées dont il souffrit cruellement et à laquelle il